Hiroshi Sugimoto
Architectures
En parallèle de l’exposition Jean-Michel Alberola, la Galerie Daniel Templon expose une douzaine de photographies en noir et blanc du japonais Hiroshi Sugimoto. Issues de la série «Architecture» débutée en 1997, ces œuvres délibérément floues et sombres proposent une ré-interprétation de chefs-d’œuvre de l’architecture moderne, de Frank Lloyd Wright à Tadao Ando.
Né en 1948 au Japon, Sugimoto quitte son pays pour étudier la photographie à Los Angeles en 1970. Le minimalisme et l’art conceptuel qui y règnent à l’époque auront une influence essentielle sur son travail photographique qui s’attache davantage à la lumière et la perception du temps, qu’à la documentation ou la représentation réaliste du monde.
Depuis son installation à New York en 1974, il poursuit ses voyages dans le monde entier pour photographier et compléter les nombreuses «séries» sur lesquelles il travaille: Diorama (depuis 1976), Theaters (depuis 1978), Seascapes (depuis 1980), Architectures (depuis 1997) ou Portraits (depuis 1999). Quels que soient le choix du sujet (salles de cinéma et drive-in construits dans les années 20 et 30 en Amérique, musées d’histoire naturelle, musées de cire, mers et océans du monde), ses photographies ont toutes en commun la recherche d’un «moment» suspendu dans le temps.
Avec la série «Architecture», Hiroshi Sugimoto délaisse pour la première fois la netteté et l’hyperréalisme de ses œuvres passées. Il crée un brouillard dont émergent des architectures, tels des objets abstraits qui occupent tout le paysage. Pour la première fois aussi, il choisit des sujets connus voire symboliques : réalisations de Mies van der Rohe, Le Corbusier, Frank Lloyd Wright ou lieux publics familiers comme le Woodland Cemetry d’Eric Gunnar Asplund (Stockholm) ou les Satellite City Towers de Luis Barragan (Mexico City). Les photographies tentent de révéler la nature profonde et insaisissable de ces constructions. Elles semblent tour à tour convoquées par la mémoire, découvertes et analysées pour la première fois, ou bien simplement imaginées, rêvées.
Pour ses photographies, Sugimoto utilise un dispositif en bois de fabrication américaine qui ressemble aux boîtiers photographiques du XIXe siècle. La prise de vue est effectuée sur une pellicule de format 8 x 10 pouces et les tirages sont de quatre fois la taille du négatif. Un temps d’exposition particulièrement long lui permet de révéler certains détails et lumières, imperceptibles dans une photographie traditionnelle. La question de la perception est en effet fondamentale dans l’œuvre de Sugimoto, et seul ce procédé sophistiqué lui permet de dévoiler le mystère de la «présence physique» des lieux photographiés.
critique
Jean-Michel Alberola