Communiqué de presse
Yann Paolozzi
Archéographie
Une société se lit et se comprend à travers ses comportements, ses édifices, ses hiérarchies. D’autres éléments plus modestes peuvent également ouvrir une fenêtre sur notre monde. Les sciences humaines étudient l’homme à différent stade de l’évolution, sous leurs angles respectifs. Mais souvent leur échappent le plus important à mes yeux : nos productions « non-productives », créées mais non réfléchies. Éléments du quotidien, ces traces dont plus personne ne veut deviennent objet d’étude, de déchiffrage. Ma lecture est totalement personnelle, mais leur reconnaissance est collective. Qui ne reconnaît pas un ticket de caisse usé, objet impersonnel que chacun a déjà eu en sa possession. Au-delà de son utilisation, je lui donne une dimension artistique. Ce bout de papier devient une référence de notre société débarrassée de son essence, il révèle une expression esthétique non mesurée. Je décide seul de lui donner un nouveau sens, une nouvelle image en l’associant à d’autres éléments extérieurs.
Au fil des années, j’ai développé une réelle méthodologie dans ma démarche. Je recherche ces traces dans des objets obsolètes et significatifs de ces petits rien de nos vies en sociétés. Elles sont le reflet de nos comportements et liens sociaux. Ma collection (quasi obsessionnelle) comprend tous les formats, supports, représentations de ces éléments qui nous accompagnent : photos, idoles, notes, dessins, K7, papiers, impressions usuelles, tickets, étiquettes, plans, petits mots, billets… ; chacun est la marque de notre époque.
Acheter un paquet de cigarettes et une fois fini, l’écraser. Voici une marque impersonnelle de notre temps mais pourtant unique, sa forme étant déterminé pas un mouvement non-reproductif. J’aime ces appropriations d’objet significatif de nos modes de vie. Tel un archéologue je ramasse, examine, protège et répertorie mes trouvailles. Parfois ce sont des formes de ma propre vie, mais le plus souvent je scrute les lieux que je visite dans l’espoir de tomber sur une perle de l’existence humaine. Pour ne pas abîmer ces pièces uniques je les préserve chacune dans une pochette en plastique. Ainsi leur état « brut » est protégé, elles ne subiront aucune altération. Comme un chercheur, je sauvegarde les traces disparues d’une société, pour mieux les admirer. Mon travail se base sur l’esthétique et l’humanité qui habite chacun de mes éléments.
Je ne cherche pas à les détourner mais plutôt à fixer définitivement notre impact sur ce que nous produisons. La peinture comme la photographie ont longtemps été le moyen de figer les grands moments d’une époque. Elles reflètent l’image que l’homme a de lui-même ou souhaite donner. Elles sont comme une marque de leur temps. Les portraits des grands du monde ont de tout temps servi et encore aujourd’hui a informé sur leur pouvoir et leur supériorité. De même pour les clichés d’une fusée Ariane, elle ne sert qu’à montrer un état de force et de domination. Par contre exhiber un objet anodin déplace l’idée classique de représentation de nos sociétés.
J’utilise l’aquarelle et l’encre, comme un naturaliste le fait pour reproduire une espèce de la faune ou de la flore. Je peints ces formes sans jamais les dénaturées ni les modifiées. Je réalise un instantané de nos marques les plus libres parce que non réfléchies. On peut rapprocher mon travail de celui d’une étude documentée ou d’une nature morte, liée a l’observation de ce qui m’entoure.
Comme un graphiste, j’essaye de développer une esthétique propre à chaque objet que je reproduis. La composition des dessins sur papier provient de la résonance entre les formes et leurs couleurs. L’association se réalise comme un ensemble visuel qui se questionne et se répond sur le devenir des éléments fixés.