Miguel Angel Rios
Aqui
La Maison Européenne présente la première grande exposition à Paris, consacrée à Miguel Angel Rios, artiste argentin vivant entre Mexico et New York. L’exposition est organisée autour d’une vidéo, Aqui, projetée sur cinq écrans, elle rassemble également de grands tirages représentant des joueurs de toupies ainsi qu’une série de dessins préparatoires.
Les vidéos de Miguel Angel Rios ont régulièrement pour thème le conflit. Ici le conflit est incarné, dans un langage purement abstrait, par deux groupes de toupies symbolisant des forces contraires. Les deux armées de toupies noires et blanches s’opposent sur un fond neutre, les blanches sont de la même forme et de la même taille, les noires, quant à elles, sont plus petites et de formes variables. Leur mouvement différe également, les blanches évoluent rigoureusement telles une cavalerie en parade tandis que les noires se rassemblent chaotiquement.
Les formes géométriques évoquent, dans la lumière très contrastée de la composition, les sculptures du constructiviste Tatlin ou la photographie du Bauhaus. De cette période des années 20, Miguel Angel Rios retient également Métropolis (Fritz Lang, 1927) pour sa modernité et Le Cuirassé Potemkine (Eisenstein, 1925) pour la virtuosité de son montage.
Le choix de la toupie n’est pas anodin, dans la longue histoire des jouets, celle-ci remonte au second millénaire avant Jésus-Christ, elle est utilisée chez les égyptiens, les grecs et les romains. Comment expliquer la longévité et la popularité de ce petit objet de bois ? Peut-être par sa capacité à défier la gravité dans un mouvement tournoyant qui rappelle, en accéléré, celui de la terre. Dans l’histoire de l’art, la toupie en mouvement ou au repos est souvent associée à l’enfance et au cours de la vie.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il n’y a aucun effets spéciaux dans ce film. Les toupies ont été fabriquées sur les conseils d’experts mexicains et filmées en temps réel grâce à une équipe de production très pointue. La bande son de la vidéo laisse entendre l’artiste répétant à voix haute « aqui » (« ici » en français), il incite ainsi les joueurs à placer les toupies à certain endroit du cadre. L’oeuvre tire son nom de cet ordre sommé par l’artiste, réel metteur en scène.
Les vidéos de Miguel Angel Rios ont un impact très fort sur les spectateurs, elles frappent en effet par leur esthétisme, par le dynamisme du cadrage et par la finesse du montage. Mais ce qui capte véritablement l’attention c’est le spectacle d’un rituel de violence et de compétition. L’anthropomorphie de ces combattants de bois, rapproche cette lutte d’autres divertissements mieux connus tels que la tauromachie, la boxe, le football ou encore les films de guerre et les westerns.
Aqui est une représentation métaphorique du pouvoir, l’oeuvre dépeint la lutte pour la survie, les relations violentes entre les masses et les individus et la fascination toujours persistante exercée par le spectacle de nos batailles sanglantes. Un documentaire fascinant, Fuego Amigo, retrace le making-of de Aqui. On y voit Miguel Angel Rios cherchant les meilleurs joueurs de toupie du pays ou perdu au milieu de la jungle afin de trouver le bois le plus adéquat à la fabrication des jouets. Ce film est projeté régulièrement à l’auditorium de la Maison européenne de la photographie.