ART | CRITIQUE

Après

PFlorence Mottot
@29 Jan 2010

Conjointement à Personnes, présentées au Grand Palais, Christian Boltanski propose au Mac/Val Après, une exposition où il invente un monde labyrinthique, animé par des voix et du souffle. Où l'on erre et rencontre des «hommes qui marchent»…

Il y a toujours un avant: celui de l’enfance par exemple, dont Christian Boltanski a, dans les années 70, tiré ses Saynètes comiques (1974), où il mimait des situations de sa jeunesse.

De même, il y a toujours un après. Qu’y a t-il «après»? L’œuvre présentée au Mac/Val renvoie au passé, l’instant, le futur, à la temporalité. Christian Boltanski décline ses obsessions sur le temps qui passe, celle du visage, de l’Histoire dont on se souvient, ou pas. Qu’y a-t-il donc «après»? Et «après» quoi? Et pour qui?

On n’est pas placé en face d’une œuvre, mais à l’intérieur de l’œuvre. Franchissant un rideau, sur lequel est projetée l’image d’un visage anonyme, on est plongé soudainement dans l’obscurité, dans une grande salle où le noir domine. Puis l’on distingue des éléments architecturaux, cubes couverts de bâches noires qu’un souffle anime de l’intérieur. Dans cet environnement inquiétant et labyrinthique, on est invité à faire son chemin, à littéralement errer.

D’où viens-je? Où aller? Résolument philosophique, le parcours s’entend comme la matérialisation d’une «quête existentielle». Créateur, Christian Boltanski invente un monde froid, inhospitalier. Le sens surgit des rencontres. Des hommes de bois, figurés en pleine marche (en référence à l’humain d’Alberto Giacommeti), nous imposent peu à peu leurs présences dispersées, à la mesure de notre cheminement. Ils posent des questions sur l’«après»: «Dis-moi, as-tu laissé beaucoup d’amis?», «Dis-moi, as-tu laissé un amour», «Dis-moi, était-ce brutal?», «Dis-moi, voulais-tu que cela finisse?». Questionnements polyphoniques, morcelés, abyssaux. L’exposition ne donne pas de réponses métaphysiques, elle scénarise.

Chaque homme qui marche possède des néons à la place des «mains» et de la «tête». De chaque pantin surgit ainsi de la lumière, au sens strict. Sans doute au sens symbolique. Les manteaux, dont Christian Boltanski recouvre les silhouettes de bois, sont une manière de plus de parler d’individus à la fois anonymes et singuliers, d’humanité.

Qu’y a-t-il «après»? Marqué par le parcours, l’individu est laissé à sa réflexion, puis «recueilli» dans une salle blanche et lumineuse. Treize photographies en noir et blanc, reproduites sur papier calque, sont affichées. treize regards photographiés disent l’absence concrète des Hommes.

Démiurge, Christian Boltanski? Il crée un univers, relie les temporalités: l’instant s’enchevêtre avec ce qui a été et ce qui sera.
La question, vertigineuse, de l’«après» sort l’exposition du strict cadre du musée, de la scénographie, de l’espace.
«Mon métier, ce serait de raconter des petites histoires qui incitent chacun à se poser des questions. Au lieu d’employer des mots, j’utilise des moyens visuels ou sonores, à la manière des paraboles», dit-il.
Christian Boltanski ne reproduit pas le réel, il se place du côté des artistes qui posent des questions existentielles.

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