En 2007, devant le délabrement de son œuvre, Daniel Buren avait menacé les autorités de la détruire si une restauration n’avait pas lieu rapidement: après 18 mois de travaux derrière une enceinte dessinée par l’artiste lui-même, l’œuvre vient d’être dévoilée au public.
Si ces colonnes en marbre noir et blanc font aujourd’hui partie intégrante du paysage parisien — lieu de rendez-vous, attraction touristique, terrain de jeu —, leur installation en 1986 a été accompagnée d’une grande polémique.
«Aujourd’hui, les gens ont peine à imaginer la vague de violences verbales, de colère et de haine», s’est souvenu le commanditaire de l’œuvre, l’ancien ministre socialiste de la Culture Jack Lang, lors de la cérémonie d’inauguration.
Car avec la pluralité des démarches artistiques dans l’espace urbain d’aujourd’hui, il semble difficile de concevoir le caractère provocateur de cette commande. Toutefois, elle rompait radicalement avec les conventions de l’art public «officiel»: cette création in situ n’était ni une sculpture, ni une décoration murale.
Comme toutes celles de Daniel Buren, cette œuvre intitulée Les Deux plateaux répond aux spécificités de son site dont elle accentue et reformule le dispositif spatial.
En mettant en scène la réalité architecturale en deux niveaux — la cour d’honneur du Palais et le parking souterrain du ministère de la Culture —, l’œuvre vise à déconstruire le pouvoir sous-jacent du lieu.
La rigueur géométrique de l’architecture du Palais Royal trouve son pendant dans le quadrillage de l’espace et dans la position des colonnes à chacune de ses intersections.
Simultanément, les différentes hauteurs des colonnes perturbent l’uniformité architecturale de la place et forment le premier plateau: un plan diagonal rompant cet espace si méticuleusement ordonné selon des horizontales et verticales tectoniques.
Le deuxième plateau est un niveau souterrain: visible à travers deux grandes ouvertures rectangulaires dans le sol, recouvertes par des grilles et illuminées la nuit d’en bas, elles ouvrent aux yeux des spectateurs la réalité contemporaine de ce lieu de pouvoir.
Si la dimension critique reste secondaire dans l’appréhension ludique quotidienne de la création in situ, c’est précisément dans la combinaison de ces deux critères que se trouve la qualité d’une œuvre d’art public: ses différents niveaux d’interprétation et d’utilisation.