Au moment où l’Europe va renouveler son Parlement et sa Commission, nous souhaitons appeler l’attention des citoyens, des dirigeants politiques et des instances européennes.
Si beaucoup de nos concitoyens ne croient plus à l’idée européenne, nous sommes convaincus que le renouveau et l’espoir passent notamment par la culture et la création. La culture, dans toute sa diversité, c’est ce qui nous réunit. C’est sans doute notre spécificité et assurément notre bien commun. Elle contribue à façonner et à construire cette Europe, consolide son identité et alimente son dynamisme économique.
Depuis des siècles, notre continent est une terre de création, où prospèrent la créativité, la diversité, et l’originalité. Mais aujourd’hui, le doute est permis : tout est-il fait pour que l’Europe reste cette terre de liberté et de vitalité de la création ?
La crise économique, politique et morale que nous traversons menace l’ambition culturelle de notre continent. Dans trop de pays, la culture a été l’une des premières victimes des restrictions budgétaires.
Or, artistes et créateurs apportent une contribution fondamentale aux valeurs des sociétés européennes ainsi qu’à leur économie. La culture représente une part importante de la richesse européenne et crée des emplois ; elle est une source de cohésion pour nos sociétés et est à même de construire l’identité européenne. La prise de risques, l’engagement et la liberté du geste artistique doivent être soutenus et encouragés.
C’est pour défendre l’exception culturelle et demander la stricte application de la Convention de l’Unesco sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de 2005 que nous avons fait entendre nos voix l’an dernier lors du projet de négociations commerciales entre l’Union Européenne et les Etats-Unis. Parce que nous croyons à l’avenir de la création européenne, parce que nous sommes plus que tout attachés à ce que le public puisse continuer à avoir accès à nos œuvres.
La culture en Europe est forte de ses différences, de la diversité de ses expressions, de ses langues. Or, le risque existe de voir cette diversité remise en cause par des politiques européennes toujours suspicieuses à l’égard des politiques culturelles et trop souvent complaisantes et passives à l’égard des multinationales de l’Internet.
La révolution numérique est une chance pour la culture. La culture est aussi une opportunité pour le numérique car les œuvres de l’esprit en sont un carburant et un oxygène indispensables. Nous en sommes persuadés. A la condition toutefois qu’elle ne soit pas confisquée par des entreprises en situation de monopole et que des règles du jeu existent en Europe pour maintenir deux principes permanents du soutien à la création : les diffuseurs contribuent au financement de la création ; les biens et services culturels bénéficient d’une fiscalité spécifique et allégée.
C’est un enjeu crucial de modernisation de nos politiques culturelles que d’intégrer tous les diffuseurs, et notamment ces géants d’Internet, dans l’économie de la création. C’est aussi un enjeu d’équité entre l’ensemble des diffuseurs d’œuvres culturelles et un défi pour l’avenir.
Dans ce contexte :
— nous attendons de la Commission européenne qu’elle accorde toute sa place à une relation renouvelée et confiante entre l’Europe et la création
— nous attendons des responsables européens qu’ils s’engagent à promouvoir de manière volontariste la culture et les œuvres, parce qu’elles sont un atout pour notre continent, et un ressort essentiel du projet européen ;
— nous attendons que l’Union Européenne s’engage à soutenir la diversité des créations et des expressions culturelles à l’heure numérique, pour faire en sorte que tous les acteurs de la culture, les artistes et le public européen puissent bénéficier pleinement des chances offertes par la révolution numérique;
— nous attendons que tout soit mis en œuvre pour que notre continent reste une terre d’accueil pour la création et la prise de risque; pour ce faire, les créateurs doivent pouvoir continuer à bénéficier d’un haut niveau de protection de leurs droits.
— nous souhaitons que la politique européenne fasse de la conquête de nouveaux publics et de la démocratisation culturelle une priorité, afin de construire un véritable espace européen de création et de culture associant pleinement les créateurs et les citoyens.
Signataires
Keren Ann, Lucas Belvaux, Pablo Berger, Julie Bertucelli, John Boorman, Fred Breinersdorfer, Peter Brook, Jean-Claude Carrière, Marc Cerrone, Boris Charmatz, Stijn Coninx, Vladimir Cosma, Luc Dardenne, Jacob Desvarieux, Dominique A, Pascal Dusapin, Yves Duteil, Thomas Dutronc, Jacques Fansten, Stephen Frears, Costa-Gavras, Jochen Greve, Agnès Jaoui, Jean-Michel Jarre, Michel Jonasz, Issam Krimi, La Grande Sophie, Maxime Le Forestier, Les Brigitte, Blanca Li, Daniele Luchetti, Lars Lundström, Macha Makeieff, Bruno Mantovani, Radu Mihaileanu, Passi, Benoît Peeters, Jean-Paul Salomé, Jordi Savall, Vokler Schlöndorff, Eric Serra, Hugh Stoddart, Béla Tarr, Bertrand Tavernier, Joachim Trier, Enrique Urbizu, Jaco Van Dormael…