Benoit Caillet, Camille Platevoet, Cheng-Long Zhao
Appartement 5000 euros
Aujourd’hui, un certain design est instrumentalisé par les groupes industriels qui le placent au centre de leurs stratégies de communication. On y vante la qualité de la matière, l’esthétique des formes et la beauté des objets. Mais qu’en est-il des conditions de la production de ces objets? Les jeunes designers sont alors confrontés à des choix de politiques de conception, de réalisation, de responsabilité, ceci plus spécifiquement dans le domaine du cadre de vie, territoire naturel du design.
Les modules d’habitation conçus par trois étudiants en design, Benoit Caillet, Camille Platevoet et Cheng-Long Zhao, questionnent le rapport coexistant entre les individus, le design et les modes industriels de production qui conditionnent leur existence et leur devenir.
Les modules que proposent ces trois jeunes designers sont le résultat visible mais provisoire d’une double condition économique: concevoir et construire un espace habitable dans le cadre d’un budget de 5 000 € et le constat objectif qu’ils ont fait que ce même prix est exigé pour acquérir un mètre carré dans un programme immobilier construit dans un quartier de la ville historique.
Ces habitats qu’ils proposent se veulent critiques et provocateurs. Critiques parce qu’ils posent la question de la complicité pouvant exister entre les designers et les modes extrêmes de la production industrielle de l’habitat. Provocateurs car ils posent le corps comme outil de production stocké après utilisation, à l’image du slogan affiché dans certains ateliers: «Une place pour chaque chose et chaque chose à sa place». Ces modules sont pensés comme unité de mesure d’habitabilité et échelle de production. Répétés, accumulés, reproduits et parfaitement identiques, ils sont une réponse froide à l’utilisation fonctionnelle de l’individu contenu dans une organisation sociale qui, par la contrainte, aurait la tentation de le contrôler dans la totalité de ses actes, même les plus intimes. Ces modules sont conçus pour nous interpeller, nous mettre en situation de vigilance.
Face à une société spéculative qui, dans son accélération centrifuge, rejette un nombre de plus en plus important d’entre nous aux marges de l’existence, ces jeunes designers nous proposent à travers ces modules une vision assurément extrême, comme une mise en garde. Car sous l’objet «beau et bon» selon Philippe Starck, peut se cacher le spectre grimaçant de la violence faite aux hommes.
A contrario, le design sera-t-il porteur d’un nouvel humanisme et participera-t-il comme tout autre acteur à la construction de la cité des hommes?