Apostolos Georgiou propose une peinture figurative à peine brossée mais bien campée. Les personnages ont des positions et des placements toujours duels. Le haut et le bas s’opposent sans forcément rentrer en conflit. Les hommes sont à genoux, allongés ou assis. Ils sont toujours chancelants, toujours prêts à tomber. Bien que physiquement posés à terre, ils sont pris dans un enfermement.
Loin de jouir d’une quelconque autonomie, ils ont l’air perdu à l’intérieur de ces châssis aux dimensions presque carrées. Les bords peints sont des barreaux qui les isolent et les fragilisent en même temps. Les corps et les postures semblent frappés de claustrophobie. La solution pour sortir de ce malaise semble être la fuite, se cacher, prendre le large — des allures de renonciation et d’introspection.
Leur salut, les êtres ne peuvent le chercher qu’à l’intérieur de ces corps recroquevillés sur eux-mêmes : sous une table, sous un lit, à même le sol, sur une table. Les corps se cassent en se pliant sur ce mobilier qui, loin de soutenir les membres, les accueille comme on réceptionne un mourant, un gisant.
L’espace coloré est agencé comme une camisole. Les personnages endossent les couleurs à la manière des fous. Le vêtement de la peinture est synonyme de capture et d’enfermement. Comme les chemises avec les longues manches, les murs et le mobilier viennent cadenasser les hommes. L’architecture intérieure est une cilice qui étouffe les corps.
Cette impression n’est pourtant pas ce qui saute aux yeux. Cette sensation ne vient qu’après que l’on a contemplé les torsions des protagonistes souvent sans visages. Les membres sont démantibulés à l’intérieur de ce chaos qui s’organise comme un puzzle. Chaque pièce, chaque moment, est pesé et prend place dans ce grand plan qui ne laisse pas le hasard disposer seul de ces osselets de peinture et de chair.
L’enfermement mental, pictural et physique n’est pas dérangeant. Il n’y a pas de malaise à contempler ces grands tableaux. La mise en scène des silhouettes peintes laisse percevoir une fluidité des traits et un espace aéré. La toile n’est pas surchargée. Le peintre va à l’essentiel et dispose avec parcimonie les gens et la couleur. Tout est calculé pour obtenir un canevas libre et pourtant les êtres semblent attachés à une condition dont il n’arrive pas à se dégager.
Le prétexte de la peinture semble être badin et pourtant une tourmente envahit ces corps de chair et de peinture. Étrange. Alors que la partie se devait d’être calme et sereine, la disposition du tout amène plus de questions que de réponses. Que font-ils ? A quoi pensent-ils ? Mais surtout que font-ils dans ces positions attentistes. Un léger spleen s’empare d’eux, une légère humeur vagabonde les emporte aux quatre coins du tableau.
Apostolos Georgiou
— Sans titre, 2004. Acrylique sur toile. 190 x 260 cm.
— Sans titre, 2005. Acrylique sur toile. 210 x 230 cm.
— Sans titre, 2004. Acrylique sur toile. 240 x 190 cm.
— Sans titre, 2005. Acrylique sur toile. 210 x 230 cm.
— Sans titre, 2005. Acrylique sur toile. 230 x 230 cm.