ART

Apocalypse Please

PEmmanuel Posnic
@12 Jan 2008

Des personnages mi-hommes, mi-démons se débattent dans un capharnaüm de folie, dans un château rococo boursouflé de formes dégoulinantes tantôt très colorées, toujours glauques jusqu’au dégoût. Tout un monde de créatures improbables qui vient frapper aux portes de la réalité.

Une exposition de Fabien Verschaere, c’est un peu comme Champagne, la chanson de Jacques Higelin. Des personnages mi-hommes, mi-démons se débattent dans un capharnaüm de folie, dans un château rococo boursouflé de formes dégoulinantes tantôt très colorées, tantôt très sombres, toujours glauques jusqu’au dégoût. Tout un monde de créatures improbables qui vient frapper aux portes de la réalité.

Apocalypse Please, l’exposition que Verschaere propose chez Michel Rein en est une protubérance de plus. Un avatar même pourrait-on dire si ce n’était que ce créateur boulimique livrait là l’une de ses meilleures productions.

Dans la salle principale, l’artiste a conçu une installation globale dans laquelle nous retrouvons des peintures rouges accrochées sur un mur rouge, une série d’aquarelles et un manège furieusement démoniaques puis pour achever le décor, treize personnages attablés comme une Cène réinventée.

Sur les tableaux, les créatures s’épuisent dans un brouhaha général. Pêle-mêle, on y retrouve des crânes en souffrance, des oiseaux mazoutés, des chiens agressifs, des hommes hurlant, des diablotins, des anges curieux, des fantômes énervés, de discrets tags et même des dollars qui fleurissent.
Dans les dessins ou dans le carrousel du manège, la même urgence à faire se croiser des personnages que tout oppose, du diable sexué à l’ange polymorphe, des chimères mal à l’aise dans leur transformation. La danse macabre qui les anime, les volutes de flammes obscures ou les gouttes de sang qui les accompagnent font poindre la dislocation progressive de cet univers en friche.

Car le peuple de Verschaere ne verse pas dans le joyeux débordement. Il forme plutôt l’escadron d’une parade lugubre, hallucinatoire qui a plus à voir avec l’enfer qu’avec la gentille débauche créative. Ce qui n’empêche pas l’artiste de s’en moquer, probablement pour mieux conjurer ses propres obsessions. Les trois crucifixions qui accueillent le visiteur à l’entrée pourraient former la somme de ses contradictions: un squelette, un diable, un clown.

La petite salle de la galerie repeinte en bleu électrique accueille le reste du défilé. On entre dans une espèce de chapelle profane où s’épanchent d’autres personnages déchus à l’expression plus que sardonique. Les aquarelles et les sculptures répondent de la même urgence que tout à l’heure: traduire les mondes intérieurs, exporter le nihilisme ambiant de son inspiration dans des franges beaucoup plus exaltantes et exubérantes.

A travers les aquarelles, mais même à travers les sculptures et les séquences animées qu’il propose plus loin, le dessin reste le moteur de ces mondes inventés et extériorisés.
Comme il le précise, «le dessin est le travail qui se rapproche le plus de l’écriture ou de la parole. Il est aussi un moyen de production simple, presque pauvériste. Mais surtout (…), le dessin est très proche de la condition physique de celui qui l’exécute, comme une performance».
Le dessin donc, comme le meilleur moyen pour décrire, ou plus simplement le meilleur moyen d’écrire, ce nouveau chapitre de l’Apocalypse.

Fabien Verschaere
— Last Dinner, 2007. Mixed media. 400 x 140 x 100 cm.
— Golem, 2007. Ceramic, acrylic paint wood base. 100 x 30 x 30cm.
— Devil, 2007. Ceramic acrylic paint wood base. 100 x 30 x 30 cm.
— Crucifixion (Diable,Clown,Mort), 2007. Ceramic, acrylic.
— Serial Clown, 2007. Acrylic on canvas. 130 x 195 cm.
— Apocalypse Please, 2007. Acrylic on canvas. 130 x 195 cm.
— Watercolour On Paper, 2004. 65 x 50 cm.
— Magic Travel (Take Away), 2005. Wooden panels, acrylic
— Human Blackboard, 2005. Slates, acrylic paint, unique

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