Communiqué de presse
Antonia Artemis Torti
Antonia Artemis Torti
Antonia Artemis Torti à coeur ouvert
Mama Roma. Le film de Pier Pasolini vient à l’esprit lorsque l’on entre dans l’univers et l’oeuvre d’Antonia Artemis Torti. D’abord parce qu’elle est née à Rome comme le réalisateur italien qu’elle a connu, ensuite parce que cette artiste qui a décidé à l’âge de 8 ans d’être peintre ne fait aucun compromis, à l’instar du réalisateur, avec les affres engendrés par un cheminement artistique exigeant et la solitude qui peut en découler lorsque l’on bouscule les règles sociales établies, quitte à surprendre et à dérouter.
On croit Antonia Artemis Torti italienne jusqu’au bout des ongles ; elle en a le côté généreux, solaire et baroque ; on la découvre imprégnée de réminiscences grecques : ne travaille t-elle pas sur le mythe d’Artémis depuis des années ?
Le parcours d’Antonia Artemis Torti peut s’apparenter à celui d’une héroïne de film italien sur laquelle plane l’ombre de la tragédie grecque ; une ombre matérialisée par cette silhouette, une empreinte noire obsédante qui hante les toiles de l’artiste dont l’existence est émaillée de coups de théâtre et de coups durs.
Elle entre à l’École des beaux-arts de Rome à l’âge de 17 ans, rencontre Giorgio de Chirico dont elle devient l’élève et qui lui enseigne le goût de la métaphysique et de ne pas « considérer la peinture comme une thérapie ».
Antonia Artémis Torti apprend vite de lui et des autres. Elle retient également les leçons de Marcel Duchamp et s’engage d’emblée dans une recherche formelle ambitieuse : faire une peinture conceptuelle, parler du vide, faire de la peinture sans forcément utiliser les mediums traditionnels du peintre.
Après un an de travail dans l’atelier de Chirico, ce dernier lui enjoint de voler de ses propres ailes, comme cet aigle mystérieux qui parsème nombre des toiles d’Antonia Torti. Elle a 18 ans et elle vit de sa peinture mais elle étouffe déjà . Sa rencontre avec Mario Schifano, peintre italien proche du Pop art, est déterminante.
Elle part aux Etats-Unis et travaille dans la Factory d’Andy Warhol et fait de la scénographie pour les Rolling Stones. Cette cassure change radicalement son approche artistique : « en voyant les musiciens jouer dans n’importe quel lieu, j’ai arrêté de considérer qu’il y avait d’un côté la vie, de l’autre ma peinture en atelier ».
De fait, Antonia Artemis Torti va sortir sa peinture du support, du cadre, du lieu et de la notion de datation en histoire de l’art. Elle travaille uniquement avec des empreintes, créant ses tampons sur carton, liège ou plastique selon son propos et ses objectifs artistiques.
Quand elle mélange des références à des icônes pop à un travail matiériste et à l’art urbain, ou à des citations, elle symbolise la question de la complexité de l’identité par le recours à une oeuvre protéiforme où abondent signes kabbalistiques et des plans superposés ou cachés.
Lorsqu’elle décide de soumettre ses toiles de coton ravinées à l’épreuve du temps en les laissant dehors subir les intempéries pendant une année, ce n’est pas gratuit.
Elle s’engage dans une mise à nu qui est une mise à mort des certitudes. Elle pratique des transferts photographiques sur des voiles de bateau. Dans ses créations récentes axées sur le rapport à la statuaire et à la sculpture (le vide toujours), elle ne revisite pas les grands maîtres mais « préfère citer une façon de peindre, une manière plutôt qu’un tableau ». « Sic mundo transit »… avec pour seuls témoins les traces laissées par les artistes.
L’unité de temps rejoint celle d’un lieu qui est un archétype, car Antonia Artemis Torti voyage avec Rimbaud dans un bateau ivre dont elle a détaché les voiles, larguant les amarres pour atteindre un pays sans localisation physique.
Le détachement d’Antonia Artemis Torti à l’endroit des contingences matérielles est impressionnant et confère à son oeuvre une force intemporelle. Les réminiscences antiques le disputent au plus contemporain. A coeur ouvert, à corps perdu, Antonia Artemis Torti est elle-même et les plus grands collectionneurs qui la suivent depuis des années ne s’y trompent pas.
Exposée à la Fiac, présente dans les collections publiques et privées, Antonia Torti, telle Artémis Diane des Romains poursuit sa cible en insatiable chasseresse de l’art.