La Carpenters Workshop Gallery présente « The Graduate(s) », une exposition consacrée aux jeunes designers européens émergents. Une recherche (et découverte) de talents confiée à la curatrice néerlandaise Lidewij Edelkoort. Fondatrice de Trend Union, société prescriptrice en matière de tendances design, Lidewij Edelkoort est un sismographe à courants artistiques. Pour l’exposition « The Graduate(s) », la prospection a porté sur près de cinquante écoles de design européennes, aboutissant à la sélection d’une vingtaine de projets, proposés par une demi-douzaine de designers. Galerie de portée internationale, par ce choix la Carpenters Workshop Gallery défend la vitalité de la création en soutenant de jeunes designers. Contribuant ainsi à ouvrir des horizons au design dans le paysage de la production européenne. Récolte fructueuse, les projets présentés ont en commun des accents d’Arte Povera post-industriel et post-brutaliste, traversés d’un souci archéologique.
« The Graduate(s) » : les émergences en design européen, selon Lidewij Edelkoort
L’un des points saillants de l’exposition réside dans le traitement des matériaux. Si à première vue semble dominer un goût de l’informe, une attention accrue permettra de voir des matériaux traités de façon à incorporer leur propre devenir. S’il est un élément capital dans l’ingénierie des matériaux, chère à tous les secteurs de la construction, architecture et design inclus, c’est bien la manière dont la matière répond dans la durée. Là où la modernité voyait dans le verre et l’acier des formes d’éternité inorganique, l’époque contemporaine prête d’avantage d’attention aux processus d’évolution des matériaux. Et ce, à travers le temps, les usages, les environnements, rejoignant ainsi la problématique archéologique exporée depuis des années par Lidewij Edelkoort. Dans l’exposition « The Graduate(s) », les projets présentés jouent sur cette mémoire, ce devenir. Les pièces de Thomas Ballouhey, par exemple, présentent des objets aux surfaces rugueuses, irrégulières, comme travaillées par l’érosion.
Archéologie et éloge des aspérités (avec Anton Hendrick Denys, Thomas Ballouhey…)
La série Ways of Altering [Manières d’altérer] de Thomas Ballouhey comprend ainsi bancs, bols, tréteaux, tabourets… Avec une combinaison singulière de carton, résine et sable. Le designer Anton Hendrick Denys présente pour sa part une série nommée A Stool Experiment [Expérimentation autour d’un tabouret]. Utilisant de l’acier inoxydable, il le traite par polissage de manière à faire ressortir les reflets iridescents propres à l’oxydation. Formes massives, les tabourets d’Anton Hendrick Denys évoquent presque l’esthétique des pièces du sculpteur Anselm Kiefer. Pour sa série Another Land [un autre pays / une autre terre], la designer Priyanka Sharma combine quant à elle les opposés en associant marbre et terres cuites. Pour des objets (table, console) à la beauté sédimentaire, presque coraline, dans des tonalités laiteuses ou vert-de-gris. Béton rompu (de Martin Laforêt), marbre, acier, sable… « The Graduate(s) », joue sur la disparition de l’usure, par une valorisation originelle des aspérités.