DANSE | SPECTACLE

Anne Teresa de Keersmaeker

27 Avr - 12 Mai 2018

L'Opéra Garnier présente, conjointement, trois pièces de la chorégraphe Anne Teresa De Keersmaeker. Trois œuvres à la dynamique rigoureuse et affirmée : Quatuor no 4, Die grosse Fugue et Verklärte Nacht ; trois pièces solidement arrimées à leur structure musicale.

En octobre 2015, trois pièces de la chorégraphe Anne Teresa De Keersmaeker sont entrées au répertoire du Ballet de l’Opéra national de Paris. À savoir Quatuor no 4 (1986), Die grosse Fugue (1992) et Verklärte Nacht (1995). Ce sont ces trois mêmes pièces qui composent l’ensemble intitulé Anne Teresa De Keersmaeker, présenté à l’Opéra Garnier. Pour une soirée en forme de déambulations géométriques, de Béla Bartók à Arnold Schönberg en passant par Ludwig van Beethoven. Chorégraphe infiniment attentive aux musiques, aux rythmes, ces trois pièces de jeunesse d’Anne Teresa De Keersmaeker ont un rapport à l’unisson et à la rigueur. Trois pièces-clefs qui ruissèleront dans la suite de son œuvre. Très structurée, la soirée commence par Quatuor no 4, pièce pour quatre danseuses. Elle se poursuit avec Die grosse Fugue [La grande fugue], pour huit danseurs. Et s’achève avec Verklärte Nacht [La Nuit transfigurée], un duo amoureux éclaté en plusieurs danseurs.

Anne Teresa De Keersmaeker à l’Opéra Garnier : Quatuor no 4 (Béla Bartók)

Quatuor à cordes sans contrepoint, le Quatuor no 4 de Béla Bartók est cependant inspiré de la musique folklorique des Balkans. Musique monophonique un peu raide, Anne Teresa De Keersmaeker s’en est emparée pour mettre en danse une ronde enfantine. Quatre danseuses en uniformes d’écolière répètent une sorte de comptine dansée. Au fil du jeu, la fraicheur bucolique laisse la place à une répétition mécanique, quasi-industrielle. Les jupettes virevoltent toujours. Mais les visages s’éloignent. L’effort crispe les traits et suivant le point de focal adopté (par alternance, peut-être), se dévoile alors le côté aguicheur des jupes qui s’envolent, ou l’expression figée, mi-narquoise, mi-épuisée, des danseuses. Dans une maîtrise chorégraphique qui convoque l’excellence et finit par piétiner la grâce. Autre pièce rigoureuse : Die grosse Fugue, avec Ludwig van Beethoven. Composée tandis qu’il était sourd, La grande fugue se tient elle-même, par la force de la théorie.

Die grosse Fugue (Ludwig van Beethoven) et Verklärte Nacht (Arnold Schönberg)

Comme pour la pièce de Béla Bartók, Anne Teresa De Keersmaeker plonge dans cette composition de Ludwig van Beethoven, Die grosse Fugue, pour mieux en enlacer la dynamique. Et là encore, la figure de la chute, qui se relève, occupe une place nodale. Une forme d’ascèse et de solitude à plusieurs hante cette chorégraphie. Les contacts entre danseurs, réduits, semblent être d’une intensité telle qu’ils ne puissent s’actualiser que dans la distance. Bien que romantique, Die grosse Fugue se teinte d’éclats tragiques. Enfin, venant clore cette trilogie chorégraphique, se déploie la pièce Verklärte Nacht. Une Å“uvre basée sur le sextuor à cordes d’Arnold Schönberg. Avec un poème de Richard Dehmel, à propos d’une femme qui, à la lueur de la lune, confesse à son bienaimé être enceinte d’un autre. Instant chorégraphique d’une gravité presque douloureuse, Anne Teresa De Keersmaeker en fait une pièce à la beauté déchirante.

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