Anne-Marie Schneider
Anne-Marie Schneider dessine comme on écrit dans son journal intime. Ses dessins répondent à une pulsion de sublimation du réel et dépeignent la vie quotidienne telle qu’elle est perçue par l’inconscient. Ils traduisent souvent des émotions ou des sensations de l’ordre de l’indicible. Certains motifs se retrouvent comme le cercle, image protectrice du cocon et parfois carcan. D’autres motifs sont dessinés en série comme si l’artiste cherchait à exorciser un événement : tête arbre ou tête bandée.
Les dessins présentés dans l’exposition, seuls ou en ensemble, montrent l’évolution d’Anne-Marie vers la couleur et ouvrent à des sujets très variés : une roue d’esclaves, une série de cerveaux, une série de tête et boutons, des gouttes de pluie, des flammes, des flèches… Elle présente notamment deux ensembles de dessins.
Le premier de ces ensembles, sur les cerveaux, propose une plongée au cœur du cerveau humain, présenté sous la forme d’une germination en plusieurs étapes : deux neurones sont reliés, puis l’un d’eux germe, le cerveau se scinde en deux, la tête entière apparaît avec le cerveau en feu… Loin d’avoir ici une image effrayante, Anne-Marie Schneider offre une vision poétique, sans édulcoration, de ce qui peut se passer dans un cerveau, à l’intérieur même.
L’autre ensemble se compose de 6 dessins qui fonctionnent presque à la manière d’un «flip book». Sur le premier dessin, une tête apparaît, presque une tête de mort, très pâle sur le papier, avec un bouton à la place de la bouche. Puis, quand on avance à la découverte des autres dessins, la tête se fait plus précise, comme si les plans se rapprochaient. La série se termine sur une métamorphose : une tête plus humaine, mais plus tourmentée se cache derrière un bras… L’artiste présente également une sculpture, composée de 10 éléments, qui représente des boules tricotées, un personnage composé de boutons et qui reprend la symbolique du cerveau sous une autre forme.
Anne-Marie présente également son 4ème film, filmé en super 8 comme les précédents, intitulé Comme un chien. Il s’agit ici de reprendre un thème classique, la mort, mais dans une forme quotidienne et non pas à la manière des médias, qui la présentent sur un mode sensationnel. Anne-Marie Schneider s’appuie pour cela sur un passage du Procès de Kafka dont elle propose une relecture. Ce projet se présente sous la forme d’un documentaire qui alterne des images en scènes «réelles» et des images d’animation, d’après les dessins de l’artiste. Ce passage d’une forme à l’autre permet de mettre en relief le caractère métaphorique de ce qui est raconté.
L’univers d’Anne-Marie Schneider oscille entre réalité et rêve, le passage de l’un à l’autre étant continuel et sans lien rationnel. De cet univers fragile, intime, ressort une poésie sans naïveté, fantasmatique et parfois grinçante. Dessins, peintures ou films dessinent une vision parfois effrayante, qui inspire une certaine empathie, à la fois réelle et imaginaire, sur le mode du rêve.