Anne Brégeaut aime observer les effets de dissonance entre une image et son titre. A la manière du surréalisme, ses œuvres prennent sens par l’association de motifs picturaux incongrus. Les titres narratifs des gouaches fonctionnent comme des incipit de fictions qui resteraient en suspens, ouverts à tous les dénouements.
Dans le tableau Bridget l’attendait avec impatience, une demeure bourgeoise se niche au milieu de plantes carnivores aux couleurs pastel. On a l’impression d’un collage dont le sens s’éclaire à la lecture du titre pour toutefois nous échapper. Les œuvres d’Anne Brégeaut sont fortement évocatrices par ce jeu de va-et-vient entre ce que l’on voit et ce que l’on lit.
Chaque composition part d’un fond ornemental sur lequel sont ajoutés des personnages ou des objets isolés, sans liens apparents.
Où s’en vont nos souvenirs ? se compose de motifs de courges et de fleurs répétés sur toute la surface du papier. Figurent aussi un couple marchant de dos, un poisson, une maison, une tasse et une corde nouée pour se pendre. En confrontant ces objets sur un fond végétal, Anne Brégeaut crée des connexions impromptues, oniriques et stimulantes. La technique du montage prend tout son sens dans le «et» qui associe de manière fortuite des éléments hétéroclites.
De formats différents et disposés de façon à constituer une petite constellation, les tableaux entrent en résonance et fonctionnent comme des allégories ou des vanités qui nous renseignent avec poésie et distance sur nos relations au monde et nos sentiments.
Cette sensation onirique exprimée dans les tableaux se retrouve dans les petites sculptures. Isolées et dénuées de tout contexte, elles expriment la mélancolie de certains moments partagés. Celle d’une fête avec la sculpture Anniversaire constituée un assemblage de bougies consumées, ou encore le temps passé à l’école avec Le Coin qui représente une chaise de classe s’enfonçant dans le mur.
Nostalgie et frustration sont également présentes dans la vidéo d’animation Les Mains, réalisée à partir d’une série de gouaches : deux mains disposées le long du corps se frôlent sans cesse sans jamais se mêler.
Dans ses peintures, ses vidéos ou ses sculptures, Anne Brégeaut pratique le montage pour dévoiler les ambivalences du manque et du désir et nous confronter à notre solitude.
Publications
Carole Boulbès, « Narrations arborescentes » in Art Press N°254, Paris, 2000.
Anne Brégeaut
— Bridget l’attendait avec impatience, 2008. Gouache sur papier. 21 x 30 cm
— Où s’en vont nos souvenirs ?, 2008. Gouache sur papier. 60 x 84 cm
— Pour toujours, 2008. Gouache sur papier. 21 x 29,7 cm
— Le coin, 2008. Chaise d’écolier. 80 x 25 x 45 cm
— Les mains, 2007. Vidéo d’animation en boucle.
— Alice, 2008. Gouache et dessin. 50 x 65 cm
— Anniversaire, 2005. Bougies. 6,5 x 5,5 cm
— Maman m’avait bien dit que notre histoire aurait été un échec, 2008. Gouache sur papier. 21 x 30 cm
— Ne me mens pas, 2008. Gouache sur papier. 21 x 30 cm