On dira ce qu’on voudra mais, en définitive, c’est le résultat qui compte. La postérité qui jugera. Les toiles d’Analia Saban sont-elles belles ? Pas évident. Mais, après tout, est-ce si important que cela ? L’art est là pour faire jouir, pas pour être admiré. En un sens, le travail est plaisant. Et même luisant. De loin, on dirait des gonflants en caoutchouc coloré. De près, des plaques de matière plastique qui gondolent pour avoir été trop longtemps exposées à la chaleur. Le spectateur doit se situer à la bonne distance. Ni à deux doigts, ni au fin fond. Il doit accommoder, ce qui, reconnaissons-le, n’est pas toujours commode.
Ce qui est assez curieux, c’est que la jeune plasticienne se réfère, entre autres, à Antoine Samuel Adam-Salomon, sculpteur du XIXe siècle reconverti dans la photographe qui se souciait surtout de… peinture et qui cherchait à fixer, grâce à la technique du collodion humide, les effets de clair-obscur — ce n’est pas pour rien qu’il fut surnommé le Rembrandt de la photographie. C’était, par ailleurs, un adepte de la retouche, mais ceci est une autre histoire.
La jeune femme a eu l’idée de colorer ces clichés photographiques antiques qui, à l’origine, étaient en noir et blanc. Pour cela, elle s’est servi des filtres RVB de la synthèse additive (dans l’imprimerie, on parle plutôt de synthèse soustractive et des couleurs cyan, magenta, jaune et noir de la quadrichromie) ou, si l’on veut, des couches ou des calques de Photoshop. Ces gélatines se superposent et produisent des images plus ou moins nettes, des portraits comme celui du vieux philosophe qui a un air de Karl Marx. Mais aussi, et surtout, des natures mortes.
Avec ses tableaux qui ont l’aspect de mille-feuilles, Analia Saban donne littéralement de l’épaisseur aux clichés photographiques. Elle restitue par exemple aux photos d’Adam-Salomon les trois dimensions d’origine ou celles de leur réplique sous forme de sculptures !
La contrepartie de cette déconstruction, pour reprendre la fameuse notion de Derrida, qui n’est pas un travail de sape mais, plutôt, une mise à nu de la structure, un scan tout ce qu’il y a de plus objectif, une visite des organes, des coulisses ou des cuisines, c’est que le produit final relève de l’art naïf, pop ou popu.
C’est donc un peu kitsch sur les bords. Comme dans bien des domaines de l’art appliqué. Dans la déco d’église, l’art des maîtres verriers du bon vieux temps. Les tableaux ainsi collés aux murs ont des allures de vitraux obscurs. Ont l’air de diapos opacifiées.
Analia Saban, Vase of Drawing Lines, 2005. Graphite on paper mounted SINTRA in graphite powder filled container
Analia Saban, Slippage #1, 2006. Acrylic on linen hinging tape, cotton cloth and ph neutral glue, hanging on linen canvas on panel. 157,5 x 157,5 cm
Analia Saban, Overlay Series: Early Photograph (« Portrait » by Antoine Samuel Adam-Salomon, c. 1865); Color Acetate Red, Yellow and Blue; Brushstrokes; and Linen Canvas on Stretcher Bars., 2008. Red, yellow and blue film gels and acrylic on linen canvas. 47 x 39 3/8 inches
Analia Saban, The Painting Ball (48 Abstract, 42 Landscapes, 23 Still Lives, 11 Portraits, 2 Religious, 1 Nude), 2005. Oil, Acrylic and Watercolor on Canvas. 26 x 26 x 26 inches
Analia Saban, 0 Second Commercial, 2005. 900 archival digital prints on pedestal. 8.5 x 11 x 5.5 ft
Analia Saban, Collapsed Drawing: Unknown title (Jackson Pollock), 2007. Laser-cut paper and laser-cut archival digital print mounted on museum board. 79,5 x 60,4 cm
Analia Saban, Collapsed Drawing: « Head of a Man » (Albert Durer), 2007. Laser-cut paper and laser-cut archival digital print mounted on museum board. 99,8 x 74,8 cm
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