Anish Kapoor
Anish Kapoor
Ce printemps 2011, l’artiste britannique Anish Kapoor mène de front plusieurs projets d’envergure à Paris. Dans le cadre du programme Monumenta, sa grande sculpture Léviathan s’étendra sous la verrière du Grand Palais. Dans le même temps, l’artiste exposera une sélection d’oeuvres autour de l’idée d’immatérialité à la galerie Kamel Mennour.
Anish Kapoor investit également la chapelle de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris. Dans la nef de ce monument, l’artiste installera un ensemble de ses récentes sculptures de ciment. Ces hautes tours grises évidées se présentent sous la forme de protoarchitectures, sortes d’édifices des premiers temps de l’humanité, comme par exemple les ziggourats en briques mésopotamiennes. En un sens, elles renouent avec l’esprit animant les oeuvres de pigments qui ont rendu l’artiste célèbre au début des années 1980.
En dépit de leur facture artisanale, ces Cement Works sont conçus avec l’aide d’un logiciel, tandis qu’une machine, expulsant et déposant la matière, procède à leur édification. Ces oeuvres témoignent de l’intérêt de l’artiste pour l’autogénération, concept hérité du mot sanskrit svayambh.
Les sculptures d’Anish Kapoor donnent en effet la sensation de ne pas avoir été créées par une main humaine et d’avoir toujours été là , à l’instar de certaines formes à la beauté confondante élaborées durant des millénaires par les forces de la nature: on songe aux tombants de corail, à certaines formations rocheuses… «Tout part du corps», déclare Anish Kapoor. C’est pourquoi ces oeuvres ont également une dimension organique, déjà sous-jacente dans les sculptures en cire rouge réalisées au cours des dix dernières années. Les Cement Works évoquent les enroulements des intestins, mais aussi la matière fécale qu’ils génèrent.
La chapelle des beaux-arts, où fut créé le Musée des monuments français durant le Premier Empire, abrite une belle collection de copies de peintures et de sculptures de la Renaissance italienne, notamment du Jugement dernier de Michel-Ange et du Colléone de Verrochio. Entre les formes d’Anish Kapoor, archaïques et néanmoins créées à l’aide d’une technologie de pointe, et ce qu’on estime être le plus grand raffinement jamais atteint par la civilisation occidentale, le contraste sera violent. Il questionnera sans aucun doute la nature de ce qu’on nomme l’art.