L’exposition « Andrea Büttner » au Musée régional d’art contemporain de Sérignan, première exposition monographique consacrée à l’artiste allemande en France, présente un panel de médiums variés : sculpture, gravure, eau-forte, peinture, tissage, sérigraphie, impression offset, performance et vidéo.
Une série iconographique autour de la figure du mendiant
L’exposition dévoile un nouvel ensemble d’œuvres qui ont été spécialement conçues et créées pour le cabinet d’arts graphiques du MRAC, mais aussi, pour la première fois en Europe, un vaste projet intitulé Piano Destructions, qu’Andrea Büttner a débuté en 2014 au Canada.
Au sein du cabinet d’arts graphiques du musée (cette zone destinée à présenter dans la semi-obscurité les œuvres les plus fragiles), se déroule un parcours iconographique en noir et blanc qui dévoile pour la première fois le résultat de recherches menées durant plusieurs années par Andrea Büttner autour des images de la mendicité. Intitulé Alle Bilder (Toutes les images), cet ensemble présenté dans un espace en forme d’écrin est composé non pas d’estampes originales mais d’images imprimées, sortes de photocopies au format poster. L’écart entre le lieu et le caractère non précieux des œuvres met en évidence l’interrogation sur l’art qui les sous-tend.
La figure du mendiant prend les formes multiples de personnages mystiques tels que Saint François d’Assise, de l’écrivain Chris Kraus et de la philosophe Simone Weil. Elle renvoie aux ordres religieux qui dépendent de la charité pour vivre mais reflète aussi le statut de l’artiste, qui lui aussi repose sur le regard du spectateur, sur son interprétation voire sur sa générosité. A travers cette figure de la mendicité déclinée comme à travers un kaléidoscope, s’affirment une lecture pleine de contrastes de la culture et l’exploration des ambiguïtés, échos, associations et incertitudes qui nourrissent la démarche d’Andrea Büttner depuis ses débuts.
Une installation vidéo explorant la destruction de pianos dans l’art
L’installation vidéo intitulé Piano Destructions a été inspirée par les nombreux artistes qui, depuis les années 1960, se sont adonnés dans le cadre de leur pratique artistique à la destruction de piano. Ce geste symbolisant l’anéantissement d’un marqueur de la société bourgeoise est devenu récurrent dans l’histoire de l’art récente. Sur quatre écrans placés les uns à côté des autres sont projetées des performances où des artistes, tous masculins, comme Nam June Paik, Ben Vautier et George Maciunas démolissent des pianos en les frappant au marteau ou à la hache, en les brûlant et les éventrant. La vision simultanée de ces multiples scènes de violence et le chevauchement de leurs bruyantes bandes-son renvoient une sensation de masculinité qui s’opposerait à la féminité du piano, historiquement associé à l’éducation des jeunes femmes. Sur un cinquième écran défile une performance filmée en 2014 par Andrea Büttner : neuf femmes pianistes jouant en chœur sur neuf pianos des compositions de Robert Schuman, Frédéric Chopin et Claudio Monteverdi. La dissonance des destructions masculines s’oppose à l’harmonie féminine.
La variété des médiums et des moyens mis en Å“uvre par Andrea Büttner laisse toujours entrevoir une simplicité et une modestie qui reflètent les thèmes essentiels de sa réflexion : la vulnérabilité de la condition humaine (traitée à travers des sujets sociaux comme la misère, le partage, la collectivité), l’imperfection du statut d’artiste, la nature équivoque du jugement esthétique…
critique
Andrea Büttner