André Butzer
André Butzer
Influencées par la peinture néo-expressionniste allemande dans la lignée de Albert Oehlen et Werner Büttner, les premières Å“uvres d’André Butzer, qu’il qualifie lui-même d’«expressionnistes de science fiction», figurent une réalité artificiellement exagérée et aux formes parfois grotesques, inspirées par le dessin animé et dont les figures sont les habitants d’une planète imaginaire «Nasaheim» (nom formé de Nasa et d’Anaheim ville californienne de la banlieue de Los Angeles fondée au XIXe siècle par des familles immigrées allemandes, et aujourd’hui siège de Disneyland). Ces figures sont le produit d’une culture de masse inventée qui pousse la déformation à l’extrême en nous plongeant dans des allusions infinies.
Puis, les figures tendent peu à peu à disparaître dans le fond pour laisser place au «monde» qui les entoure, marquant le passage du figuratif à l’abstrait, en faveur de l’autonomie des moyens picturaux. La structure semble anarchique, les motifs se mêlent sur la surface dans un chaos de couleurs éclatantes. L’empâtement et l’emploi de la peinture appliquée sur la toile directement depuis le tube deviennent la quasi-signature d’André Butzer.
Dans la continuité de ce cheminement vers l’abstraction, il réalise en 2010 la première N-painting et rompt alors avec les somptueuses peintures colorées qui appartenaient à son Å“uvre jusqu’à présent.
Les toiles présentées dans cette exposition révèlent une composition radicale qui peut surprendre, voire dérouter. Ici, un ensemble de cinq toiles de composition identique mais de formats différents que l’artiste regroupe sous l’appellation N-paintings. La dénomination «N» étant une sorte de nombre d’or, un monde existant et dématérialisé soustrait aux lois qui régissent notre système de pensée.
La juxtaposition d’une palette incroyablement vaste de couleurs a laissé place à des nuances infinies de blancs et de noirs où les teintes se devinent dans les reflets et les ombres colorés; et la présence timide des rectangles horizontaux et verticaux s’est désormais affirmée. Le contraste, la structure de la composition et l’unité picturale sont maintenant exercés d’une manière extrême. Chaque toile se compose de deux formes géométriques noires sur fond blanc. L’une horizontale dans la partie supérieure de la toile, l’autre verticale à droite dans la partie inférieure. Ces Å“uvres jouent de la potentialité des formes et de la chromie. Les deux formes représentent les faits élémentaires de la créativité: la relation entre le haut et le dessous, la verticalité et l’horizontalité, le milieu et la marge. Les effets d’optiques présents dans chaque toile mais aussi les répétitions d’une même composition dans l’espace, provoquent une impression de léger mouvement et des présences incroyablement fortes. Les couleurs ne sont pas perçues par le spectateur comme étant représentées, car les N-paintings sécrètent leur couleur, elles sont la somme de toutes les couleurs. Avec ces Å“uvres, André Butzer s’attarde sur l’expérience et l’essence universelles, dans une approche phénoménologique du monde.
«Je me considère comme étant un coloriste. Je serai toujours un coloriste, rien d’autre. Ma vision est de créer une relation à la couleur sans fin, par le biais de l’absence, à l’état naturel, de ready-made de couleur. L’art visuel est une utopie optique, ainsi le visible doit être effacé, le dépositaire de tout le visible n’est pas l’Å“uvre d’art; l’Å“uvre d’art étant plutôt le projecteur du dépositaire.»
Dans une appréhension du monde dépouillée des conceptions naturalistes, les Å“uvres d’André Butzer transcendent. Les variations infinies de tons, les nuances de coloration potentielles, capturent et reflètent la lumière dans une unité qui n’affirme que sa présence. La matrice qui se répète, André Butzer l’explique ainsi: «A l’origine la matrice était liée à des corps de chair: un corps vertical vivant qui porte un corps horizontal Mort.» Les toiles nous renvoient en effet à notre propre présence mais aussi à notre perte, et deviennent une sorte de pièta universelle qui nous plonge dans une atmosphère d’inquiétante quiétude.
Article sur l’exposition
Nous vous incitons à lire l’article rédigé par Marie-Jeanne Caprasse sur cette exposition en cliquant sur le lien ci-dessous.
critique
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