Cristina Ruiz Guinazu
Anamnèse
Au pays de l’Anamnèse, nul ne s’étonne que les marguerites deviennent des coquelicots écarlates, que les pigeons se métamorphosent en corbeaux ou que les anges croassent et perdent leurs ailes des mains de petites filles innocentes armées de cimeterres de Judith.
Il arrive qu’avec l’âge les tissus oublient de se défendre: on cicatrise beaucoup moins de nos propres histoires, qui en dépit des apparences n’étaient pas rouillées. C’est que, après tant de fièvre, le monde ne sera plus — à vrai dire ne l’a jamais été — ni une horloge de DalÃ, ni une photo ou un objet de Man Ray.
Le fil conducteur que nous propose Cristina Ruiz Guinazu est subtil, mais possible: il est temps d’ouvrir les bras et de respirer.
Respirer c’est prendre un grand risque, et Cristina Ruiz Guinazu réaffirme qu’il vaut la peine. C’est alors que le rêve fait irruption et tout est actuel, tout est tempête. Entre l’éclair et la foudre jaillit la lumière la plus aveugle, mère de toute blessure. C’est que les songes de Cristina Ruiz Guinazu suscitent à la fois l’allégresse et les larmes.
Ils portent en eux le chant originel des sirènes. Cette pure inquiétude.