Antoine Dorotte
Analnathrach
Antoine Dorotte place le dessin à la base de son travail. Il le pratique sur divers supports en utilisant différentes techniques: dessin au feutre, gravure, métal gravé, film d’animation, etc.
La gravure est une constante qui se retrouve aussi bien sous forme de papier que sur les sculptures. Elle fournit également les images des films d’animation de l’artiste. Sobre et sombre, son travail de sculpture prolonge l’atmosphère de série B, de polars, de bande-dessinée et de jeu vidéo présente dans ses dessins et ses films.
Sous leur apparence esthétique, ses sculptures et ses films sont le résultat d’un traitement violent des matériaux qui sont attaqués chimiquement par des produits corrosifs. Pour son exposition personnelle à 40mcube, Antoine Dorotte réalise plusieurs nouvelles œuvres produites par 40mcube: une sculpture, une installation, une série de gravures et un nouveau film produit par 36’’. L’exposition donne ainsi une vision d’ensemble du travail protéiforme de l’artiste tout en mettant en évidence les liens existants entre ces différentes formes.
Dans l’espace d’exposition, une sphère de 2,50 mètres de diamètre constituée d’écailles de zinc est posée. Du sommet jaillit un liquide, non pas de l’eau, mais un produit qui coule entre les plaques de zinc et attaque progressivement le matériau. Plus cette fontaine d’un nouveau genre est en action, plus les motifs se multiplient et se creusent dans la matière, faisant de cette sculpture une œuvre corrosive qui, plutôt que s’auto-détruire, s’auto-attaque et par conséquent s’auto-crée. Sur l’un des pignons de l’espace d’exposition, une installation également constituée de plaques de zinc gravées à l’acide investit la totalité du mur.
Collant à l’espace, elle le retourne, inversant la relation intérieur/extérieur d’un bâtiment. Avec la sculpture-fontaine conçue pour pouvoir être présentée dedans comme dehors et le détournement du zinc en écailles habituellement utilisé en architecture pour des toitures ou pignons, Antoine Dorotte crée un espace extérieur qui se joue en intérieur. Sur cette installation qui leur sert de décor sont présentées sept gravures extraites de Move it Piano, film précédent d’Antoine Dorotte, de Fiji, une édition lenticulaire, et de Whirlwind Riding, nouveau film de l’artiste projeté dans la Black Room, l’espace de projection de 40mcube.
Ces gravures nous emmènent vers la fiction à l’oeuvre dans cette vidéo: une violente tempête fait rage. Un personnage se débat, c’est Miranda PaintOmovie, avec un gros O au milieu, qui virevolte dans la végétation en pleine furie…
Chacun des films d’Antoine Dorotte se répond sans se suivre. L’artiste ne crée pas une narration logique de film en film mais propose des séquences de vie de personnages récurrents. Ainsi, dans Whirlwind Riding, on retrouve Miranda PaintOmovie, déjà rencontrée dans Move it Piano. On l’a vue sur la plage.
Dans ce nouvel opus, on la suit en lisière de la jungle. Rappelant l’Irma Vep de Feuillade, Miranda est un personnage hybride, tout comme le paysage qui l’entoure, composé à partir de sources télévisuelles et cinématographiques. Ces collages et interférences sont unifiés par la gravure, chaque image du film étant gravée sur une plaque de zinc. Une même teinte et une même atmosphère énigmatique se retrouvent dans toutes ces scènes brèves qui constituent des boucles muettes. Celles-ci sont à l’image de ce travail en permanente effervescence, plein de rebondissements, où chaque partie est sans cesse réintroduite dans le tout sous un aspect différent.