L’exposition « An-My Lê » à la galerie parisienne Marian Goodman, la première de l’artiste en France, dévoile un ensemble récent de photographies en couleur et de plus anciennes en noir et blanc. Des œuvres qui s’inscrivent dans la tradition de la photographie de paysage.
L’œuvre d’An-My Lê est placée sous le signe de l’exil et de l’humanisme
En réunissant la nouvelle série de photographies en couleur The Silent General et les précédentes séries en noir et blanc Viêt Nam, Small Wars et 29 Palms, l’exposition permet de découvrir l’ensemble de la carrière d’An-My Lê, photographe d’origine vietnamienne dont le travail est placé sous le signe de l’exil, de l’humanisme et de l’attention portée aux paysages.
La série The Silent General, le dernier projet d’An-My Lê, tire son titre d’un chapitre du roman autobiographique Specimen Days de Walt Whitman dans lequel celui-ci auteur retrace ses souvenirs de l’époque de la guerre de Sécession. Au cours des deux dernières années, An-My Lê est revenue sur les pas de Walt Whitman en Louisiane, notamment à La Nouvelle Orléans et dans ses alentours. Elle a tiré de ce périple sept photographies qui ont revivre l’esprit du roman en mêlant observation de la vie actuelle dans cet état du sud des Etats-Unis et réminiscences du passé.
Des allusions directes à l’histoire comme la photographie intitulée Film Set (« Free State of Jones »), Battle of Corinth, Bush, Louisiana, où l’on assiste au tournage d’un film recréant une bataille de la guerre de Sécession ou encore celle montrant un monument dédié à un général de l’armée confédérée, et des clichés fixant des paysages ou des activités humaines typiques du sud des Etats-Unis soulignent l’influence tenace de l’histoire et de l’héritage sur les territoires et les sociétés qui y vivent.
Une démarche inscrite dans la tradition de la photographie de paysage
La série 29 Palms témoigne d’une autre immersion d’An-My Lê dans un contexte humain et naturel particulier. Elle a été réalisée dans un camp d’entraînement militaire de marines américains situé dans le désert californien, où An-My Lê ya passé plusieurs mois à fixer ; à l’aide d’une chambre photographique, les exercices des soldats s’entraînant avant de partir en mission en Irak ou en Afghanistan. Ici aussi, l’environnement naturel fait l’objet d’une attention particulière : le site, proche par ses caractéristiques naturelles, de certaines régions du Moyen-Orient, devient le lieu d’une sorte de fiction collective.
Une ambiguïté basée sur une forme de mensonge théâtral que l’on retrouve dans la série Small Wars pour laquelle An-My Lê a intégré un groupe de personnes qui s’amusent à recréer aussi fidèlement que possible en Virginie et en Caroline du Nord des scènes de la guerre du Vietnam. Ces clichés en noir et blanc, dont on ne peut deviner à première vue qu’ils ne sont pas des images originales du véritable conflit, nourrissent une réflexion sur la façon dont se construit la mémoire d’une guerre.
Enfin, avec la série Viêt Nam réalisée de 1994 à 1998, l’exposition revient sur le premier travail photographique qu’An-My Lê a consacré au Vietnam, dix-huit ans après son exil. Entre paysages et portraits, les clichés prix au cours d’une traversée du pays, depuis le nord d’où vient sa famille maternelle, jusqu’au sud où elle est née, dresse un panorama sensible du Vietnam et s’inscrivent dans une autre forme d’entre-deux, non pas entre fiction et réalité mais entre souvenirs et temps présent.