La galerie Praz-Delavallade présente la seconde exposition personnelle qu’elle consacre à Andrea Bowers. Dans cette exposition « An Eloquent Woman », l’artiste s’intéresse aux relations qui unissent trois femmes: une révolutionnaire, Emma Goldman, une historienne, Candace Folk, et une artiste : elle-même.
Emma Goldman était une féministe radicale et une révolutionnaire anarchiste qui dans les années 1900 se fit connaître pour son activisme politique, ses écrits et ses discours. Elle fut l’une des pionnières de la défense des droits des travailleurs, des femmes et des prisonniers, de l’amour libre et de l’anti-conscription.
Cette exposition trouve son inspiration dans les lettres d’amour passionnées écrites par Goldman de 1908 à 1917 à son amant de l’époque, Ben Reitman. L’ensemble des oeuvres de l’exposition traite de la douleur et des efforts qu’implique la tentative de vivre à la fois ses idéaux politiques et sa vie personnelle.
Andrea Bowers s’intéresse à la façon dont un individu peut concilier ses convictions politiques et l’intimité de sa vie privée, en prenant Emma Goldman et son archiviste Candace Folk, comme modèles. L’exposition est constituée d’une nouvelle vidéo, d’une série de dessins, de posters basés sur des slogans pour les droits des travailleurs et d’une sculpture fondée sur une intervention sociale.
Andrea Bowers a débuté le travail sur sa nouvelle vidéo, intitulé An Eloquant Woman, il y a plus d’un an, au cours d’un travail de recherche aux “Emma Goldman Papers” (archives de Emma Goldman à l’Université de Berkeley). C’est alors qu’elle fut fortement impressionnée par la personnalité de Candace Falk, fondatrice et éditrice des archives, qui a dédié toute sa vie à l’archivage et la compréhension de la vie d’une autre femme.
Dans cette vidéo, l’artiste développe une de ses convictions: l’importance de la transmission orale en tant que tradition féministe et alternative à la glorification de l’histoire. L’intérêt de longue date de Bowers pour le mantra féministe des années 70: “Le privé est politique” est également central dans ce film.
En effet, Emma Goldman et Candace Falk, insistent toutes les deux sur le fait qu’en réunissant à travers le radicalisme politique, la femme réelle et la figure publique, elles rendent leur existence plus compliquée mais y gagnent en pouvoir. La vidéo parcourt minutieusement les griffonnages expressifs d’Emma Goldman et nous laisse déchiffrer quelques bribes.
Entre abstraction et lisibilité, l’intimité des lettres d’amour reste intacte, et nous invite à développer notre notion du geste et de l’expression libre. Candace Falk occupe le rôle de la narratrice et raconte l’histoire des relations entre Emma Goldman, Ben Reitman et les Haymarket Martyrs, un groupe d’anarchistes condamné à la pendaison en 1886, pour avoir posé des bombes à Chicago pendant une grève générale. Plus tard leur innocence sera prouvée. La vidéo a été tournée à deux endroits différents: en Super-8 au cimetière de Waldheim à Chicago, puis en vidéo aux archives d’Emma Goldman à Berkeley.
Une nouvelle série de dessins explore les fondements personnels et politiques du geste et du tracé; un style historiquement masculin appliqué ici à un discours féministe. Dans ces dessins, Andrea Bowers utilise comme source d’inspiration les lettres d’amour d’Emma Goldman dont elle reproduit au crayon des phrases choisies de façon subjective. Les vies des deux femmes s’imbriquent ainsi dans la reproduction méticuleuse de l’écriture d’Emma Goldman.
Le dessin hyperréaliste d’une image d’archive d’Emma Goldman est également présenté dans l’exposition. Nous y apercevons Emma Goldman en train de donner une conférence sur le droit des femmes à l’avortement, debout sur un camion au milieu d’une foule d’hommes à Manhattan. Par la suite, elle sera arrêtée et emprisonnée pour ce discours.
Dans le second espace de la galerie, Andrea Bowers présente une série de posters réalisés à l’aérographe sur papier-cadeau reprenant des slogans politiques issus de manifestations pour les droits des travailleurs. Une grande partie des déclarations provient d’Emma Goldman, du groupe d’anarchistes pendus au Haymarket Square et du “Industrial Workers of the World” (un syndicat international fondé aux États-Unis).
Des slogans de manifestations récentes ont également été inclus. Ainsi “Quand on n’aura plus de pain, on mangera de la brioche”, a été brandi par Claudine Chettab, agent commercial victime d’un licenciement, à l’occasion de la grève générale du 19 mars 2009 à Paris. Pendant toute la durée de l’exposition Andrea Bowers fera livrer une fois par semaine de la brioche au siège social de Force ouvrière.
critique
An Eloquant Woman