Une série de planches originales de bandes dessinées, tirées des différents albums déjà publiés de Winshluss, ornent les murs de la galerie. Le trait est brut, les dessins sont en noir et blanc, la langue acérée et l’artiste semble se complaire à tirer le portrait le plus sombre possible de la société contemporaine.
Ses albums à l’humour noir et grinçant reprennent des personnages de la culture populaire du XXIe siècle avec ses archétypes —du trader au SDF— pour mieux accabler notre époque. Sont ainsi réunis Monsieur Ferraille (un personnage tout en métal n’hésitant pas à conseiller à un petit garçon de boire de l’alcool plutôt que de faire du sport), Pat Boon Happy End (les déboires d’un personnage veule et malchanceux sur fond de crise économique), Super Negra (l’histoire désopilante d’un Mickey mutant et pêcheur à la ligne), Welcome to the Death Club, Smart Monkey (la bataille impitoyable des petits et des faibles pour la survie) ou encore Wizz et Buzz.
Le thème de l’«Amour» est tellement antinomique avec ce qui est présenté qu’il sert justement à Winshluss dans sa dénonciation d’une société toujours plus individualiste. Dans le monde contemporain, l’«Amour» est un coup de poing qui écrase les faibles au profit des plus forts. Un dessin animé, Raging Blues, retrace, durant un Noël en temps de crise, les agissements d’un promoteur véreux et l’existence pathétique d’une femme, mendiante des rues et mère célibataire…
Mais l’Å“uvre de Winshluss ne s’arrête pas à la critique de la société contemporaine. C’est aussi un formidable hommage à la culture populaire, à ses formes artistiques et à ses objets hétéroclites. On trouve ainsi au centre de l’exposition un flipper que Winshluss s’est approprié, à l’image de son héros, Monsieur Ferraille. En le peignant et le décorant, il le transforme en objet de collection et affirme l’importance de la bande dessinée dans sa démarche artistique.
Plutôt qu’une dénonciation des tares de la société capitaliste, l’exposition «Amour» devient à l’inverse un hommage à la culture populaire qui va de la bande dessinée au film animé, et à des objets insolites comme le flipper.
Avec les planches originales, sont présentées des boites en verre en forme d’aquariums. Ces boîtes constituent des petites saynètes, sortes de petits théâtres vivants où sont mis en scène des personnages en carton —de Kink -Kong à Monsieur Ferraille. Subversives, elles contribuent à réécrire les mythes de la bande dessinée qui se révèle ainsi être comme un théâtre du monde où les personnages les plus grotesques débordent de la fiction pour mieux dénoncer les tares du monde.
Du désamour de la société en général, on passe à un amour de l’univers de la bande dessinée et de ses personnages. Les différents médiums utilisés —la vidéo, la feuille de papier, le carton— font de la bande dessinée un genre qui, au-delà de la culture populaire concerne l’art et ses problématiques.
L’Å“uvre dessinée, découpée, filmée devient une sorte de théâtre qui remet en cause la frontière entre culture populaire et culture savante, entre bande dessinée et Å“uvre totale.
En témoigne l’actuelle l’exposition de la Maison Rouge intitulée «Vraoum! Trésors de la bande dessinée et art contemporain» où plus de 200 planches originales sont mises face à des Å“uvres d’art contemporain, sans hiérarchie ni clivages.
Winshluss
— Pingouin, 2005. Technique mixte. 70 x 60 x 32 cm. (en collaboration avec Cizo
— Amour, 2006.
— Pinocchio (Tatoo), 2003. Technique mixte sur papier. 32 x 25 cm.
— Smart Monkey (couverture), 2004. Encre sur papier. 40 x 29,5 cm.
— Smart Monkey (dernière page), 2004. encre sur papier. 40 x 29,5 cm.
— Welcome to the Death Club (couverture), 2007. Gouache et technique mixte sur papier. 34,7 x 27,2 cm.
— Tribute to Shunatao, 2004. Technique mixte sur papier. 20,5 x 20,5 cm.
— Flipper. Technique mixte. Dimensions variables.