Robert Adams, Wilfrid Almendra, Lewis Baltz, Hilla & Bernd Becher, Bernd Behr, Julien Berthier, Alain Bublex, Tacita Dean, Julien Discrit, Aurélien Froment, Peter Goin,…
America Deserta
En 1989, l’historien britannique de l’architecture Reyner Banham confesse son attirance irrésistible pour le désert du sud-ouest américain dans Scenes in America Deserta.
Son ouvrage est le récit exalté d’une découverte de ces contrées arides livrées aux tribulations humaines, des anciens pueblos de Mesa Verde aux installations ultra-technologiques de l’US Air Force, des propositions utopiques de Paolo Soleri à la démesure de Las Vegas.
Ainsi, «America Deserta», bien plus que la stricte traduction latine de «désert américain», circonscrit la condition esthétique d’un territoire identifié dans sa dimension altérée par l’Homme. C’est un lieu de projection, théâtre d’une expérience humaine particulière aux États-Unis.
Ce paysage vernaculaire est défini par le sociologue et géographe américain John Brinckerhoff Jackson comme «une succession de traces, d’empreintes qui se superposent sur le sol.
Le paysage est, en ce sens, comme une œuvre d’art, la terre, le sol, la nature, étant comme des matériaux que les hommes mettent en forme selon des valeurs culturelles qui sont différentes dans le temps et dans l’espace».
Ce postulat deviendra celui d’une école photographique révélée par l’exposition New Topographics: photographers of a man-altered landscape au Rochester International Museum of Photography en 1975. Elle regroupait notamment les œuvres de Robert Adams, Lewis Baltz, Bernd et Hilla Becher, Franck Gohlke ou Stephen Shore.
En opposition directe et frontale à l’idéalisme transcendentaliste d’Ansel Adams ou d’Eliott Porter, chantres de l’École paysagère pictorialiste de la côte Ouest, ces artistes s’imposèrent en révisionnistes du paysage.
Par l’utilisation systématique du style documentaire photographique, ils entreprirent d’opérer une relecture critique et analytique de l’iconographie paysagère traditionnelle et ainsi de mettre en exergue la relation artificielle que le regardeur entretient avec son environnement.
Leur approche iconique du paysage est poursuivie au milieu des années 1980 par plusieurs photographes parmi lesquels Richard Misrach, Terry Evans ou Peter Goin, fédérés dès 1992 par le Nevada Museum of Art de Reno dans un fonds spécifique baptisé The Altered Landscape Collection.
Le wilderness, valeur-refuge fondatrice de la nation américaine, fait désormais place à une nouvelle réalité tangible de l’Amérique contemporaine: le paysage altéré.
Cette nouvelle donne est le point de départ de l’exposition «America Deserta» au Parc Saint Léger. L’exposition y réunit à la fois les images pionnières, à travers les photographies historiques de Robert Adams, Lewis Baltz, Bernd et Hilla Becher, Peter Goin ou encore John Pfahl, mais également les poursuites iconiques et filiations empiriques contemporaines.
Le Man-altered Landscape, majoritairement vécu par les américains comme la faillite d’une vision romantique de leurs territoires, constitue en effet le socle iconique fascinant de propositions artistiques européennes.
Ce terrain, scène privilégiée des tentatives anthropiques les plus folles, constitue pour les artistes celui de tous les possibles. Leur approche diffère de celles développées par les Robert Smithson, Walter de Maria ou autre Michael Heizer, elle en est le résultat, la conséquence et, d’une certaine manière, l’héritage.
Artistes présentés: Robert Adams, Wilfrid Almendra, Lewis Baltz, Hilla & Bernd Becher, Bernd Behr, Julien Berthier, Alain Bublex, Tacita Dean, Julien Discrit, Aurélien Froment, Peter Goin, Geert Goiris, Siobhán Hapaska, Anne-Marie Jugnet et Alain Clairet, Vincent Lamouroux, Richard Misrach, Melik Ohanian, John Pfahl, Evariste Richer, Katrin Sigurdardottir, Ettore Sottsass, Andrea Zittel.