Abigail DeVille
America
Dans cette exposition, Abigail DeVille rend hommage à l’Amérique et à ceux qui l’ont faite — des cultures précolombiennes aux esclaves originaires d’Afrique, en passant par les colonies françaises outre-Atlantique jusqu’aux minorités invisibles d’aujourd’hui. Pour ce faire, elle modifie radicalement l’espace d’exposition: «ce que je veux, c’est perturber les espaces qui accueillent mes œuvres». Et pour construire, il faut détruire; récupérer et modifier les objets abandonnés qui nous entourent afin de les regarder d’un œil neuf.
S’inspirant des pyramides mayas, Abigail DeVille parsème l’espace de structures pyramidales s’élançant du sol ou tombant du plafond, dont on ne sait si elles sont en cours de construction ou au contraire les traces d’un passé lointain. Elle indique ainsi que pour ce projet «toutes les Amériques sont réunies, à toutes les époques».
Le langage formel de l’artiste est comme un code secret dont la clé n’a pas encore été trouvée, entre formes archaïques et symboles afro-futuristes. Il s’agit de «transformer l’espace en territoire» — une manière symbolique de reprendre possession de quartiers entiers actuellement transformés par la «gentrification», alors qu’ils sont traditionnellement afro-américains.
L’artiste interroge donc dans ses sculptures, installations et environnements, la place de chacun dans la société, mais surtout sur l’absence de place dont sont victimes certains — ceux et celles que la société ne peut ou ne veut pas voir, les exclus quels qu’ils soient.
Abigail DeVille est une archéologue du quotidien, dénichant parmi nos déchets une parfaite définition de la société; tandis que ses œuvres immersives et proliférantes sont d’apparence post-apocalyptique.
Ces créations réalisées in situ, tenant profondément compte du contexte qui les accueille, parlent un langage urbain, celui des quartiers déshérités, de la pauvreté et de la lutte des minorités pour exister. Mais il s’agit aussi d’un travail théâtral, mettant en scène des problématiques actuelles.
Ses constructions sont autant de simulacres de recherches archéologiques — riches en références historiques, culturelles et sociétales; quand ses installations opaques sont le reflet des problèmes de répression et de discrimination.
L’artiste utilise des débris architecturaux ou des déchets domestiques — ce que la rue lui donne elle lui rend au centuple avec ses œuvres coup de poing. Ainsi qu’elle l’exprime, «ce qui m’intéresse c’est de raconter les histoires invisibles, à propos de gens occupant des espaces qui n’existent plus».
Daria de Beauvais
Abigail DeVille est née en 1981 à New York, (Bronx) où elle vit et travaille.