Latifa Echakhch
All Around Fades to a Heavy Sound
A l’occasion de sa troisième exposition personnelle à la galerie Kamel Mennour, Latifa Echakhch investit le nouvel espace de la rue du Pont de Lodi. Dans la lignée des œuvres présentées en 2012 au Kunsthaus de Zurich et en 2013 lors de la Fiac dans le cadre du prix Marcel Duchamp, l’artiste déploie ici encore l’idée d’un spectacle fantôme, déserté par le public et les performers suite à on ne sait quel désastre.
Dans la grande salle du bas, le ciel s’est effondré, comme s’il s’était insinué depuis la verrière zénithale. C’est là un décor de théâtre, peint de bleu azuréen et parsemé de nuages, qui a glissé comme une robe abandonnée au pied d’un lit. Devant cette toile froissée, inachevée, trop grande pour l’espace qui l’accueille, on songe aux ciels du 17e siècle, à Nicolas Poussin, à l’âge d’or du théâtre. Il plane sur cette scène abandonnée une sensation de non finito mélancolique.
Aux murs sont accrochés des tableaux. À la manière d’une sève vivace, l’encre bleue a infiltré la toile blanche par capillarité pour composer des arborescences coralliennes ou un réseau serré de branchages. Comme dans la plupart de ses travaux encrés, Latifa Echakhch initie un protocole minimal, puis elle laisse le temps et les matériaux faire leur œuvre — en l’occurrence l’encre «phtalo», mise au point dans les années 1930 à partir de colorant phtalocyanine, dont le bleu profond rappelle les stencils de l’artiste. En raison de cette part du processus déléguée au hasard, ces tableaux relèveraient presque de ce qu’on nomme les images «acheiropoïètes» (soit «non faites de main d’homme»), catégorie dans laquelle on retrouve le voile de Véronique ou les pierres de lettrés chinoises.
All Around Fades to a Heavy Sound… C’est là le titre d’une de ces œuvres spectrales. La réunion de tous les intitulés compose une histoire. Il y est question d’une marche, de l’égarement du narrateur dans une forêt qui n’est pas sans évoquer les premiers vers de la Divine Comédie, mais le texte évoque aussi «le tout dernier paysage». Peut-être un ciel déliquescent entrevu à travers les frondaisons d’une étrange forêt bleue.
Vernissage
Mercredi 5 février 2014