Alix Le Méléder établit une proposition formelle qui la distingue parmi les rares peintres de la mouvance « abstraite » en France aujourd’hui. Soit quatre formes colorées inscrites à proximité immédiate de chacun des angles d’une toile blanche, perpendiculairement à ses bords.
Chacune de ces formes, aux limites imprécises, est constituée d’aplats de couleurs superposés dont la section rectangulaire est déterminée par le passage de la brosse au cours d’un processus intense dont l’artiste a précisé l’origine : « J’ai réalisé un jour qu’il y avait dans mes toiles une volonté d’expression et j’ai voulu m’en affranchir. Il fallait que je m’efface et que la peinture reparte de la couleur. Je sentais la nécessité d’éclater l’espace toujours plus. C’est pour cela que j’en suis arrivée au format carré. Et puis, pour échapper à une sorte de face à face horizontal avec la toile, j’en suis venue à sa rotation. »
Le geste de sommation des aplats de différentes couleurs imparfaitement recouverts, après chaque rotation, ne s’arrête que lorsque la tension qui l’a autorisé est parvenue à son « point de rupture ». L’artiste imprime ainsi une « marque » dont l’unique fonction est de signaler sa présence discrète à la manière de certaines peintures préhistoriques pariétales non figuratives – traits et taches – avec lesquelles Philippe Dagen établit un parallèle.
Les toiles d’Alix Le Méléder « rappellent avec une puissance qui ne faiblit pas que le pouvoir de l’art – le seul qui lui reste aujourd’hui – est de manifester la singularité d’un être humain qui refuse de céder et de disparaître alors que tout semble le condamner à cet effacement. » Une toile s’achève, la suivante peut commencer. Le projet est immense, insondable, de nature ontologique : des centaines de toiles s’enchaînent puisées aux sources de l’humain. Aujourd’hui le dripping des taches rouges dans les toiles de la première génération a disparu au profit des franges chromatiques qui relèvent l’intensité lumineuse, parfois jusqu’à l’éblouissement.
Article sur l’exposition
Nous vous incitons à lire l’article rédigé par Marguerite Pilven sur cette exposition en cliquant sur le lien ci-dessous.
critique
Alix le Méléder