Chorégraphe et circassien belge, Alexander Vantournhout cultive un rapport physique au corps. Ses particularités, ses limites, ses capacités de dépassement. Avec Screws (2019) [Vis] il joue ainsi avec la gravité. Pièce pour six danseurs — Petra Steindl, Josse De Broeck, Felix Zech, Hendrik van Maele, Emmi Väisänen, Alexander Vantournhout / Axel Guérin —, Screws prend des allures de défi. Loin des petits chaussons de danse, ce sont des chaussures crantées d’alpiniste qui permettent aux danseurs, à la fois de flotter, mais aussi de se planter dans l’espace. Quant à la présentation de la pièce, elle passe d’abord par une boule de bowling. Objet doté d’une fonction unique, son poids, sa taille et sa forme (à trois trous) sont configurés pour une seule fonction. À savoir rouler sur une piste en bois verni, pour renverser le maximum de quilles. Quid, lorsque la boule de bowling est soustraite à son unique fonction ?
Screws d’Alexander Vantournhout : entre danse, performance et cirque
Avec Screws, Alexander Vantournhout explore précisément cette relation entre les objets et l’environnement. Le corps est alourdi de charges, ou au contraire augmenté d’éléments lui permettant de dépasser les limites physiques ordinaires. Chaussures à crampons, boule de bowling, chaussures antigravité… Les accessoires deviennent un moyen d’expérimenter les lisières. Avec poésie, la boule de bowling se transforme en objet capable d’entraîner le corps quand celui-ci part en pirouette. Dans le prolongement du bras, elle voltige, massive, laissant deviner toute la puissance d’emportement qu’elle impulse au corps. Et puis il y a aussi le jeu avec les réflexes. Voir une boule de bowling au bout d’un bras tendu, c’est anticiper son envol. Et ressentir une légère appréhension à l’idée de la voir partir. Mais le danseur la tient fermement, et ce n’est plus tant un danseur qui tient une boule de bowling, qu’une boule de bowling guidant un danseur.
Un défi lancé à la gravité : entre prothèses et contorsions, réinventer l’équilibre
Avec l’une de ses précédentes pièces, Red Haired Men (2018), Alexander Vantournhout avait déjà proposé une performance explorant les contorsions du corps. Screws prolonge ainsi cette dynamique. Et les danseurs se changent en des sortes de maillons conscients. Que le corps fasse corps avec une boule de bowling ou avec le corps d’un autre danseur, le mouvement intervient comme pour éprouver la solidité des liens. Quand deux danseurs se relient par les bras, ils ne se lâchent plus. Et toute la gamme des mouvements y passe alors pour voir jusqu’où ce nœud de bras pourra tenir. Les degrés de liberté qu’il laisse, les possibilités qu’il ouvre. Idem quand, avec leurs chaussures à crampons d’acier, deux danseurs se plantent dans une planche, pour mieux défier la gravité. Ils se contorsionnent alors dans l’exacte mesure où ces nouveaux points d’appuis (crampons, corps de l’autre) leur permettent de nouveau point d’équilibre.