Avec Red Haired Men (2018), le chorégraphe belge Alexander Vantournhout livre une pièce pour quatre interprètes — lui-même, Ruben Mardulier, Winston Reynolds et Axel Guerin. L’absurde et la drôlerie sont ici ce qui fait frissonner cette performance. Du moins, au premier abord. Comme l’ensemble des pièces présentées dans le cadre d’Actoral 2018, Red Haired Men entretient un lien étroit avec l’écriture. Soit celle de l’écrivain russe Daniil Harms (1905-1942). Avec ses airs de Boris Vian, Daniil Harms a composé des textes en forme de vignettes. Aphorismes à la simplicité réjouissante, Alexander Vantournhout s’en est emparé pour composer une performance poétique. Mais avant cela, il y a surtout le corps. Celui, remarquable, d’Alexander Vantournhout. Grand, de stature longue et large, Alexander Vantournhout se distingue visuellement. Une caractéristique innée avec laquelle il a également acquis le pouvoir de jouer. Comme ici dans Red Haired Men : par la danse, le cirque, la contorsion.
Red Haired Men d’Alexander Vantournhout : profondeur et magie de l’absurde
Le titre du spectacle, Red Haired Men, vient d’un texte de Daniil Harms, sorte de Samuel Beckett avant la lettre. « Il était une fois un homme roux qui n’avait d’yeux ni d’oreilles. Il n’avait pas non plus de cheveux et c’est par convention qu’on le disait roux. » Une tonalité enfantine, à multiples niveaux de lecture. Un niveau léger et piquant d’une part ; un niveau plus profond et philosophique de l’autre. Interné par le régime soviétique, Daniil Harms décèdera en asile psychiatrique à l’âge de trente-six ans. De ces textes vifs et singuliers, objets de censure politique, Alexander Vantournhout tire ainsi une chorégraphie de la contorsion. Sur des notes pianotées, composées par Wolfgang Amadeus Mozart. Une musique elle aussi simple et primesautière, au premier abord, tout en cultivant une part de complexité.
Entre danse et cirque : des vignettes de texte pour une lecture à niveaux multiples
Danse distillant du texte, les fragments choisis sont des moments particulièrement performatifs. Et humoristiques. La musique est celle des Douze variations en do majeur pour piano sur « Ah ! vous dirai-je, maman ». Le protocole de performance est lui aussi méthodique : les interprètes doivent toujours regarder le public. Tête en bas, pirouettes, retournements… Comme des chouettes, les danseurs ne quittent pas le public des yeux. Un contact visuel qui magnétise l’espace, allant jusqu’à composer l’impression d’un corps à quatre têtes. Hypnose ludique, moments d’observation et de réflexion… Chaque fragment choisi prend le temps de résonner dans la chorégraphie. De ses proportions singulières, Alexander Vantournhout tire ainsi une conscience aigüe du détail capable de retenir l’attention. Le je-ne-sais-quoi qui capte les regards. Red Haired Men [Les hommes roux] prend ainsi les traits d’un quatuor chorégraphique à la fois drôle et profond. En avant-première à Actoral 2018.