Alex Katz
Alex Katz
La Galerie Thaddaeus Ropac est heureuse de présenter dans son espace consacré au dessin une exposition d’œuvres sur papier de l’artiste américain Alex Katz. Cette exposition réunit des dessins au trait de grand format que l’artiste utilise très pratiquement et concrètement, des maquettes en grandeur réelle dont il reporte le tracé sur la toile avant de peindre. Les cartoons (dessin sur papier à l’échelle du tableau) d’Alex Katz se caractérisent par leurs nombreux contours partiellement superposés : des versions intermédiaires remaniées dans une quête de la forme parfaite. Ils produisent un étrange effet pictural, d’autant que la poussière de sanguine ou de fusain employée pour reporter le dessin définitif sur la toile s’est dispersée, comme éparpillée par un souffle d’air. À l’instar des esquisses à l’huile ou des dessins au crayon, les cartoons servent surtout à élaborer mentalement et essayer matériellement les composants plastiques de la peinture ultérieure, qui naîtra en fin de compte de l’inspiration pure, indépendamment de toutes les études préparatoires et extrapolations.
Ces œuvres sur papier, qui semblent conçues simplement pour faciliter la création des peintures, constituent en réalité un mode d’expression autonome, possédant une finalité et une valeur esthétique intrinsèques. Les cartoons, appréciés à la fois pour leurs qualités graphiques réelles et pour leur témoignage sur les méthodes de travail du peintre, offrent un accès privilégié à l’art d’Alex Katz, qui dit : «Je ne crois pas qu’il existe une différence de qualité entre une peinture, un dessin, une illustration ou un décor de théâtre.» En abordant son art par le biais de ces œuvres sur papier, on perçoit toute la subtilité savante des modes opératoires d’Alex Katz, à la fois étonnamment traditionnels et éminemment personnels. La méthode de Katz, répétons-le, reste à maints égards classique et consacrée par l’usage. À l’heure actuelle, les cartoons d’Alex Katz comptent parmi les plus beaux dessins contemporains. Leur beauté peut d’ailleurs devenir étrangement entêtante. Une aura fantomatique plane sur elles, engendrée par un halo flou autour de l’image, du fait que l’artiste a frotté du pigment sur les lignes perforées pour les reporter sur la toile. Les cartoons permettent de goûter le charme des réalisations utilitaires dont on découvre soudain la grâce naturelle et l’élégance fortuite. Ce ne sont pas vraiment des maquettes ou des modèles, mais des indications provisoires et intuitives.
Les cartoons d’Alex Katz, sont du côté de l’analogique et du mimétique, par opposition au numérique et à l’indiciel. Tout, chez Katz, est exécuté à main levé. De temps à autre, il prend quelques photos à titre d’aide-mémoire, mais il se les réapproprie entièrement par le dessin. Jamais il ne recourt au décalque ou à la projection. Dessiner, pour lui, c’est rectifier une forme, redresser une composition, rajuster les proportions, adapter les choses à l’atmosphère d’une image, à ses connotations, ses tonalités psychologiques, son rythme visuel et son caractère. Il cherche à établir un rapport d’empathie (quoique parfois trouble) avec le sujet, et une plénitude ou une cohérence fondamentale (quoique parfois instable) à l’intérieur de l’œuvre elle-même.Katz invente au fur et à mesure. Son arsenal d’études préparatoires et de cartoons dans la tradition de la Renaissance n’éliminent en rien l’impératif moderniste d’implication personnelle totale à tous les stades de la réalisation. On pourrait même dire que cette implication est d’autant plus forte, chez Katz, qu’elle reste discrète,dissimulée derrière l’artifice, conjuguée avec les exigences de la représentation. Katz a toujours, au fil d’une trajectoire artistique complexe, maintenu son cap difficile entre moderne et postmoderne.
La troisième voie indiquée par Katz est une position dialectique qui résout toute une séried’oppositions binaires (improvisation contre injonction, surface contre profondeur, précision contre approximation, limpidité contre impénétrabilité). Centrée sur le dessin à main levé, elle allie souplesse et discipline.
Article sur l’exposition dans paris-art.com
Pour lire l’article rédigé par Léa Bismuth, cliquez sur le lien ci-dessous.
critique
Dessins