Avec Augusto (2018), le chorégraphe italien Alessandro Sciarroni livre une pièce pour neuf interprètes. Adepte des créations énergiques, Alessandro Sciarroni explore notamment les phénomènes de contagion. Avec Home Alone (2016), par exemple, c’était la dimension incitative des plateformes d’échange vidéo qui occupait le devant de la scène. Pour Augusto, Alessandro Sciarroni plonge cette fois dans le son et sa propagation. Et plus particulièrement celle du rire, en construisant une nouvelle pièce immersive et participative. Baignés dans ces vibrations sonores, danseurs et publics se retrouvent ainsi en communion dans un grand éclat de rire. Mais comme l’indique le genre dont relève la pièce — dramédie —, Augusto explore l’hilarité à travers toutes ses saveurs. De la joie à l’amertume. Et sur scène, les neufs danseurs n’ont alors que le rire pour communiquer vocalement leurs émotions. Du plaisir à la peine, en passant par la douleur, la peur, la colère.
Augusto d’Alessandro Sciarroni : la contagion du rire, avec ses ambivalences
Augusto, c’est le nom du clown à nez rouge. Celui qui se fait toujours sermonner par son acolyte, le clown blanc. Maladroit, pataud, épais, Auguste fait rire par sa médiocrité. Personnage profondément ambivalent, il inspire des réponses émotionnelles tout aussi contrastées. Du rire, de la terreur (par l’entremise de Stephen King et Ça), de la cruauté, mais aussi parfois de l’existentialisme. À l’instar du clown d’Henry Miller, dans la nouvelle Le Sourire au pied de l’échelle. Comme le note Alessandro Sciarroni, Augusto c’est la figure du « clown, de l’imbécile, de l’idiot qui cause toujours des problèmes et qui se pisse dessus, toujours ivre, avec un nez rouge, et qui rit de tout. Mais ‘auguste’ veut aussi dire impérial, royal, distingué et c’est le nom du premier empereur romain. » Parcourant cet écart avec éclat, Augusto extrait ainsi du rire orgiaque tout un panel de gestes et mouvements.
Quand le rire est le seul outil expressif pour véhiculer joie, haine, colère, douleur
Le projet Augusto est d’abord né d’un travail de recherche autour du son. En 2017, Alessandro Sciarroni avait été invité par le Centre National de la Danse de Pantin à composer un atelier en collaboration avec l’Ircam. Avec quatre compositeurs de L’Institut de recherche et coordination acoustique/musique, ainsi que dix-huit danseurs, il avait alors entamé la création d’Augusto. D’abord composé de deux séquences, le projet travaillait l’amplification des émotions en live. En passant par les vibrations et les voix pour générer un espace acoustique habité. Un pouvoir si prégnant que certains spectateurs en avaient été émus aux larmes. Pour la seconde séquence, les danseurs avaient plus spécifiquement travaillé l’effet contagieux du rire. C’est par le creusement de cette seconde partie que le projet Augusto a acquis sa forme actuelle. Et expérience d’émotion collective, profondément ambivalente, Augusto plonge ainsi, par le rire, dans la fragilité des émotions humaines.