«Il faut être un joyeux pourfendeur», proclame Albert Oehlen, qui expose pour la troisième fois à la galerie Obadia.
Albert Oehlen trace en effet un sillon entre une peinture qu’il cherche à dépasser, et l’outil informatique qu’il essaie de surpasser (ou serait-ce l’inverse?) Il s’inscrit non pas dans un entre-deux, mais dans une rencontre — que l’on aurait pu croire irréalisable —, où il est toujours, somme toute, question de «toile», qu’il s’agisse de nouvelles technologies ou de peinture…
C’est donc l’occasion d’une confrontation radicale de deux outils visuels, de deux «matériaux» qui deviennent quasiment indissociables, comme tissés — pour filer la métaphore de la toile —, imbriqués dans un canevas où la peinture se fait fil d’Ariane, où les images informatiques sont agrandies jusqu’à pouvoir en discerner chaque pixel.
L’artiste note: «Il m’est arrivé de qualifier mes tableaux de “post-non-figuratifs” et plus tard de peinture “procroûtique”. Ce que je voulais dire avec le premier concept c’est que j’aimerais que ces problèmes ne soient plus d’actualité pour moi. Avec le deuxième, je rejette toutes les éthiques picturales. “Procroûtique” renvoie au fait de tordre et de briser et d’étendre et de réduire. Autrement dit, cela ne renvoie pas au respect du matériau.»
L’harmonie naît de la tension même créée par ce rapport de forces, de l’entrelacs subtil entre projections picturales et images informatiques, de ce défi qu’il s’est à lui-même imposé — «la peinture abstraite exigeant une virtuosité qui doit se vaincre elle-même» (Albert Oehlen)… «Abstrait et figuratif, commente Fabrice Hergott, sont deux concepts mobiles et escamotables qui se tiennent en permanence l’un dans l’autre plutôt que l’un contre l’autre».
Comment faire afin que la peinture, pour chaque œuvre et pour chaque artiste, reste une «technologie nouvelle», en évolution constante? Voici la gageure d’Albert Oehlen, qui tente d’apporter une réponse, contournant l’impasse pourtant annoncée — celle de l’irréductibilité de la peinture à l’informatique. C’est ainsi que l’on peut interpréter, rétrospectivement, le titre de son exposition à la galerie de Max Hetzler à Stuttgart en 1982 Bevor Ihr malt, mach ich das lieber (Avant que vous peigniez, je préfère le faire moi-même)…
Albert Oehlen :
— Behandlungen mit Kleber, 2002. Techniques mixtes sur toile.
— Nie mehr unter dem Exkrement liegen, 2002. Techniques mixtes sur toile.
— Klebegott, 2002. Techniques mixtes sur toile. 168 x 200 cm.
— Klaretaschenbücher, 2002. Techniques mixtes sur toile. 228 x 178 cm.
— Das Gewicht der Ladung, 2002. Techniques mixtes sur toile. 200 x 168 cm.