Performance dansée, The weird sisters’ project, du chorégraphe Alban Richard, prend les traits d’une hantise. Barrant le chemin des visiteurs, tels trois démons hommes-femmes, chaque performeur se déploie sur un socle. Inspirés par des danses traditionnelles d’Asie du Sud-Est, pendant une heure ils élaborent une lente performance rituelle. Solennellement vêtus d’une robe épaisse, couleur anthracite bleuté, émane d’eux une prestance un peu effrayante. Pour une performance qui convoque un univers aussi mythique que mystique. Mais s’agit-il d’une référence aux trois sorcières de Macbeth ? Aux trois Furies ou Érinyes, aux trois Gorgones, aux trois Harpies, aux trois Parques ou Moires ? Autant d’échos que doivent affronter les spectateurs pour pouvoir poursuivre leur route. Performance in situ évolutive, pour le festival de danse Tours d’Horizons 2018, The weird sisters’ project se combine avec Hydre, de Yuval Pick.
The weird sisters’ project d’Alban Richard : une performance chorégraphique
Toujours trois, The weird sisters’ project est interprété en alternance par Camille Cau, Nicolas Chaigneau, Mélanie Cholet, Max Fossati, Mélanie Giffard, Laurie Giordano, Laëtitia Passard, Alban Richard. La musique est celle d’un enregistrement réalisé à la Maison des Cultures du Monde en 1998 : Bangladesh. Orgues à bouche rituels des Murung. Une musique répétitive et envoûtante. Quant au costume, il a été créé par Corinne Petitpierre (du duo d’artistes Clédat & Petitpierre). Créant une mythologie composite, la performance d’Alban Richard joue avec les contraintes imposées aux corps et visages des danseurs. Pièce chorégraphique conçue en 2012, chaque représentation s’adapte au lieu d’accueil. Qu’il s’agisse de parcs, de jardins, de lieux patrimoniaux ou d’espaces muséaux. Lieux de passage, de déambulation, de contemplation méditative… Les visiteurs peuvent alors s’attarder à tenter de déchiffrer ces cryptiques augures.
Démons ou sorcières : la lenteur expressive de trois personnages énigmatiques
Lentes performances in situ, chaque activation s’inspire de l’environnement. Avec des performeurs aux visages mobiles, telles des masques, des personas outrées. Arborant par exemple des expressions faciales grimaçantes, rappelant alors le gorgoneion apotropaïque. Ce médaillon en forme de visage monstrueux, à la langue tirée, apposé aux portes des maisons pour faire fuir le mauvais sort. Lequel est devenu la tête de Méduse, posée sur le bouclier d’Athéna. Ou rappelant également les figures grimaçantes des estampes de guerriers japonais [musha-e]. Et puisant dans les lieux expressions et gestes, The weird sisters’ project réfléchit ce qui l’entoure. Conjuguant lenteur et expressionnisme, les performeurs semblent opérer un long morphing entre les éléments du lieu. Soulignant ainsi les liens tissés entre les différents éléments de l’espace, les différents génies du lieu.