Pièce pour quinze danseurs, Bon voyage, Bob (2018), du chorégraphe et metteur en scène norvégien Alan Lucien Øyen, est une création conçue pour le Tanztheater Wuppertal. Soit la compagnie de danse contemporaine fondée en 1973 par la chorégraphe allemande Pina Bausch (1940-2009). Entre danse, cinéma, théâtre et texte, Alan Lucien Øyen cultive une écriture attentive à la sincérité ainsi qu’aux expressions humaines. Évitant d’enfermer sa création dans une trame narrative, il mentionne plutôt la puissance des rencontres avec les interprètes. Une puissance capable d’infléchir la direction des pièces. Et à travers les conversations et contacts s’esquisse alors une histoire, imprégnée des souvenirs des danseurs comme des acteurs. Avec le Tanztheater Wuppertal, c’est donc autant mû qu’ému par la présence vive de Pina Bausch, à travers ses danseurs, que Bon voyage, Bob a pris formes.
Bon voyage, Bob d’Alan Lucien Øyen : une création pour le Tanztheater Wuppertal
Si la pièce se déroule dans un décor très structuré, très cinématographique, pour autant Bon voyage, Bob n’en cultive pas moins une étrangeté, une suspension. Une forme de lenteur, comme échappée d’un rêve. Avec ses images qui devraient être incompréhensibles, mais dont une forme de sens caché affleure pourtant. Etrangement familier. Ici un demi-cheval noir danse sensuellement ; là les décors se dérobent lentement, tentative de fuite du réel lui-même en dehors de l’espace scénique. Et de cette distance empreinte d’imaginaire émerge la force émotionnelle dont Alan Lucien Øyen fait la texture de ses pièces. Quand il évoque sa rencontre avec les trente-six danseurs du Tanztheater Wuppertal, le lien affectif se distingue. Alan Lucien Oyen ne souligne ni la compétence technique, ni l’excellence de ces danseurs d’exception — qualités indéniables. Mais le don de leur présence, la gratitude ressentie.
Quand le Tanztheater Wuppertal travaille avec d’autres chorégraphes que Pina Bausch
Expérience exceptionnelle, c’est la première fois que le Tanztheater Wuppertal fait appel à des chorégraphes extérieurs. À savoir le chorégraphe grec Dimitris Papaioannou et Alan Lucien Øyen. Créateurs ayant en commun la théâtralité (cf. par exemple The Great Tamer, 2017), Dimitris Papaioannou et Alan Lucien Øyen ont ainsi composé, respectivement, Since She (2018) et Bon voyage, Bob. Soient deux coproduction du Théâtre de la Ville de Paris, ainsi que de Chaillot – Théâtre national de la Danse, pour Bon voyage, Bob. Comme en témoigne Cristiana Morganti avec sa pièce Moving with Pina, l’empreinte de Pina Bausch sur ses danseurs est immense. Et ce n’est probablement pas un hasard si le Tanztheater Wuppertal a fait appel à deux chorégraphes aux imaginaires particulièrement puissants. Et infiniment reconnaissant sans être paralysé par l’héritage de Pina Bausch, Bon voyage, Bob déploie son propre univers chorégraphique, un peu en marge de tous les styles.
Façon onirique de clôturer la saison 2018-2019, Bon voyage, Bob est à retrouver en première française à Chaillot – Théâtre national de la Danse.