C’est par la figure d’un chat mais aussi d’un martien, élément absurde, qu’Alain Séchas s’est fait connaître au public, présentant de manière détournée sa critique des travers humains. Alain Séchas nourrit une idée du monde assez sombre, où l’humour n’est bien souvent que la face émergée du négatif. Dans l’une de ses dernières Å“uvres, il rendait un hommage au docteur Emile Coué. L’installation délivrait un message devenant audible: «Tous les jours, à tous points de vue, je vais de mieux en mieux».
On connaît aussi l’importance pour Alain Séchas du dessin noir et blanc et du texte, au même titre que ses penchants pour l’utilisation de la vidéo d’animation ou du son.
La galerie Chantal Crousel présente dix tableaux de l’artiste. Dix tableaux de formats verticaux, en acrylique, qui révèlent un Alain Séchas hors des mots, hors du sens, avant tout intéressé par des questions de forme, d’équilibre et de couleur.
Depuis un an en effet, Alain Séchas s’adonne à la peinture, travaille un geste débarrassé de l’anecdote et de la formule ironique, où le chat ne se remarque que par son absence. Ses premières abstractions, Alain Séchas les faisait à plat, sur des formats carrés. Il est passé à la verticalité.
Les dix peintures exposées ont été réalisées à même le papier scotché au mur de son atelier. Ces peintures cristallisent un passage de la figuration à l’abstraction, des dessins en noir et blanc à la couleur, du travail élaboré au geste impulsif. Traits rapides, aléatoires, comme effectués à l’instinct, sans schéma préétabli… On imagine volontiers Alain Séchas pressé de sortir d’un certain intellectualisme.
La première salle de la galerie réunit des toiles homogènes, aux couleurs pastel avec des dominantes de jaune acide. Un seul tableau présente une harmonie sensiblement différente: sur un fond bleu, des traits vert foncé et vert anis semblent tracer des entrelacs.
La seconde salle regroupe deux toiles de formats plus petits, toujours verticales, dans des dominantes de rouge et d’orange. Les choix de couleur d’Alain Séchas semblent raconter un plaisir d’en découdre avec la critique des bassesses humaines, avec la figuration, avec la narration. Les lignes se mélangent, s’arc-boutent, présentent des sauts, des trous et des reprises. Le geste oscille entre virtuosité et maladresse, entre tension et relâchement. Par endroits, la peinture a coulé, les couches successives de matière se sont mélangées.
Au final, le travail pictural d’Alain Séchas donne l’impression de la simplicité. Mais cette simplicité porte en elle toute l’ironie à laquelle le peintre a habitué son public: elle déroute le visiteur, donnant la sensation absurde d’un revirement, d’une remise en cause, d’une suspension dans la recherche plastique.
Cette suspension dans l’action et dans la pensée, cette absurdité, le Beckett du En attendant Godot ne l’aurait certainement pas reniée. Alain Séchas semble la souligner avec le choix du titre de son exposition: En attendant la chute.