Alain Séchas ne tient pas à «dramatiser» le cours de sa carrière, en mettant particulièrement en exergue un moment de dite «rupture» dans ses choix artistiques. Il nous avait en effet jusque-là habitués à expérimenter différents formats, le dessin et le film d’animation en particulier, pour aborder avec humour, et férocité parfois, les travers de la société moderne.
La figure du chat apparaissait alors comme tout à fait symbolique de ce projet. Elle s’incarnait dans des dessins ou des sculptures figuratives, et nous ravissait de traits d’humour décapants. De même, Alain Séchas produisait des dessins noir et blanc laissant une grande part au texte, en maniant notamment une certaine ironie.
Or désormais, le petit chat est mort. Aussi, la figure absurde du martien semble avoir quitté définitivement notre horizon. Sans amertume, Alain Séchas a délaissé les emblèmes auxquels on identifiait aisément ses créations. Peut-être parce que les figures s’usent avec le temps, peut-être parce qu’elles se figent, avec le risque inhérent de les voir se pervertir, ou du moins, de se répéter.
Ainsi, plutôt que de parler de rupture dans son œuvre, Alain Séchas préfère y voir un «recommencement» depuis 2008, et son exposition au musée Bourdelle. En effet, ses œuvres n’ont plus tellement d’écho social. On n’a plus du tout affaire à des éléments figuratifs ou humoristiques, comme si l’artiste avait la sensation d’avoir fait le tour de ces questions.
Car Alain Séchas scrute depuis plusieurs années les possibilités de l’abstraction. Ses peintures sont dorénavant de purs rapports de formes et de couleurs explorant la surface de la toile. L’artiste a débuté ses travaux abstraits avec des peintures acryliques sur papier marouflé. Aujourd’hui, il propose des œuvres allégées, où l’on perçoit juste un geste artistique fort et décidé, qui s’empare de brosses, et se répand généralement sur de grands châssis verticaux.
Dans ses pastels, Alain Séchas semble s’interroger sur la question de l’espace et de son possible remplissage. Ce à quoi il répond par des gestes nerveux, rapides et frénétiques, qui compulsent à la surface des toiles. Les traits sont vifs et exécutés sur des fonds de couleurs dégradés. Soit ils s’incarnent dans des sortes de serpentins, soit ils se structurent davantage dans des bandes horizontales et verticales, qui s’entrecoupent et partent parfois en hors-champ.
Néanmoins, les travaux les plus impressionnants de l’artiste demeurent sans conteste ses grandes toiles présentées dans la salle principale de la galerie. Elles suivent de nouvelles règles du jeu plus apaisées que dans les pastels, où l’enjeu consiste à composer des rapports de formes et de couleurs plus équilibrés. Sept grandes toiles trônent ainsi dans la galerie, en dégageant une certaine impression de légèreté.
Plutôt que de jouer sur le registre de l’épaisseur et de la densité, les huiles proposent donc des compositions aériennes et équilibrées, avec notamment des formes elliptiques qui viennent s’implanter aux bords des toiles. Les couleurs sont souvent vives, avec par exemple des jaunes, des rouges ou des orange éclatants. Le centre de la toile, quant à lui, se trouve pratiquement toujours traversé par un coup de brosse noir, témoignant d’un geste ferme qui structure l’œuvre.
Ces œuvres rendent ainsi compte d’une proposition artistique débarrassée de toute intention figurative. Comme le confie Alain Séchas, son projet est de faire des coups de pinceaux «tout court». Sur des fonds dégradés, le geste de l’artiste se fait nerveux dans les pastels, puis s’agrandit et se structure davantage dans les huiles sur toile. Il gagne alors en prestance et en maîtrise, composant des œuvres aériennes qui éclaboussent et égayent également notre regard, dans d’éclatants bouquets de couleurs.
Å’uvres
— Alain Séchas, Huiles 1, 2012. Huile sur papier. 41 x 31 cm
— Alain Séchas, Huiles 12, 2012. Huile sur papier. 41 x 31 cm
— Alain Séchas, Pastels 3, 2012. Pastels sur papier. 41 x 31.80 cm
— Alain Séchas, Pastels 8, 2012. Pastels sur papier. 48 x 36 cm
— Alain Séchas, Pastels 15, 2012. Pastels sur papier. 48 x 36 cm
— Alain Séchas, Untitled 45, 2012. Huile sur toile. 215 x 140 cm
— Alain Séchas, Untitled 48, 2012. Huile sur toile. 235 x 170 cm
— Alain Séchas, Untitled 42, 2012. Huile sur toile. 235 x 170 cm