Agnosie

Balthazar Lovay
Agnosie

«La perception extérieure est une hallucination vraie», De l’intelligence, Hippolyte Taine.

Pour sa première exposition personnelle à la galerie Crèvecoeur, Balthazar Lovay présente une nouvelle série de dessins, toiles imprimées et sculptures. Proposant au spectateur l’expérience de l’agnosie — trouble cognitif se manifestant par l’incapacité d’une personne à reconnaître ce qui l’entoure — l’artiste brouille la perception ordinaire des choses.

Dans sa nouvelle série de dessins, «Sans titre» (2010), Balthazar Lovay collecte des images trouvées au hasard de ses recherches: paysages mystérieux à l’atmosphère lourde, quasi-religieuse que l’on retrouve dans les images de statues aux poses hiératiques ou lancinantes. Cette iconographie romantique est subvertie par un réseau de lignes géométriques colorées irradiant le motif originel.

L’observation du travail de Balthazar Lovay par le spectateur relève d’une expérience visuelle prise dans son sens littéral: l’oeil du regardeur rentre dans une danse scopique ininterrompue allant de l’ensemble de l’oeuvre aux points de convergence des rayons de couleurs. De l’image aux tons éteints semble sourdre une lumière faite de couleurs comme s’il s’agissait de rendre la lumière tangible. L’oeil se perd entre l’image figurative et le réseau de lignes abstraites, passant de l’un à l’autre, le motif concentrique utilisé dans une majorité des dessins focalisant le regard pour ensuite mieux le diluer.

Cette indécision visuelle rappelle les plages colorées de la série Utopia, réalisée en 2008 en collaboration avec l’artiste visionnaire Hjaljl Vallj. Chaque dessin consiste en une succession de plans striées bicolores sous formes de strates et convergeant vers un centre.

L’ensemble produit un premier effet d’aspiration pour laisser place à un flottement visuel où chaque surface semblait prendre l’avantage sur l’autre, animant alors le dessin en une chorégraphie purement visuelle. Cet aspect matériel de l’oeuvre de Balthazar Lovay se retrouve dans la série des «Noise Drawings», réalisés au pastel à l’écoute de Merzbow, d’Acid Mothers Temple ou encore de Mayhem, la main de l’artiste traduisant physiquement le bourdonnement lancinant du métal expérimental.

Si dans «Agnosie», les battements de l’oeil viennent remplacer les pulsations musicales, il s’agit toujours de la même tentative, celle d’une traduction de la nature vibratoire du monde.

Article sur l’exposition
Nous vous incitons à lire l’article rédigé par Elisa Fedeli sur cette exposition en cliquant sur le lien ci-dessous.