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After Hours

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@12 Jan 2008

Pour sa première exposition à Paris, l’artiste néerlandais Marc Bijl présente une installation monumentale figurant un terrain de basket stylisé. Transformé en espace privé, le terrain de jeu se fait symbole, véritable logo de l’espace public.

L’installation de Marc Bijl occupe presque entièrement l’espace principal de la galerie. Seule subsiste une zone étroite pour circuler autour.
Autour, car l’installation se révèle impénétrable: grilles, grillage, barbelés empêchent tout accès à cet espace dans l’espace.
Inaccessible, mais transparent: la bâche en plastique venant sceller le tout, fendue par endroits, donne à voir, de l’extérieur, ce qu’il y a à l’intérieur. Privé, privatisé, aucune interaction n’est envisageable.

Disposés au sol, des tubes néon colorisés tracent les lignes d’un terrain de basket. Pourtant flanqué de deux vrais paniers, ce dernier n’a rien d’une simple aire de jeu.
Les néons, qui se détachent de l’opacité ambiante causée par des jets automatiques de fumée, semblent lui conférer une tout autre fonction que sa fonction initiale.
Élément commun de l’espace public, notamment aux États-Unis, le terrain de basket, ici esthétisé, se fait décor. Celui, par exemple, d’un spot publicitaire pour une grande marque d’équipement sportif. Avec ses néons pareils à des enseignes lumineuses, de décor, il se mue en symbole, en logo.

La réduction du monde à un logo, l’un des thèmes de prédilection de l’artiste, est évoquée par un tag posé à même le mur, derrière l’installation.
Il s’agit d’une citation du Loup des steppes d’Herman Hesse (1927): «We intellectuals, instead of fighting against this tendency, like men, and rendering obedience to the spirit, the logos, the word, and gaining a hearing for it, all are dreaming of speech without words that utters the inexpressible and gives form to the formless» (Nous intellectuels, au lieu de combattre cette tendance comme des hommes, et de rendre allégeance à l’esprit, au savoir, au mot, et d’en obtenir un auditoire, rêvons tous d’un discours sans parole qui prononce l’inexprimable et rend forme à l’informe).

La démarche artistique de Marc Bijl met en lumière un système dans lequel prévalent la forme sur le contenu, la marque et le sigle sur le produit, l’apparence sur l’essence. Le devenir-logo du monde tend à le vider de sa substance.

Parallèlement à l’installation, dans une pièce séparée, une vidéo reprend les mêmes thèmes. On y voit des rues filmées de nuit à New-York.
Désertes, elles portent les stigmates de l’urbanité: graffitis, fumée, détritus, et surtout, ces enseignes lumineuses noctambules, qui elles, palpitent encore: Mc Donald, Adidas, Nike, etc. Les fleurons du capitalisme mondialisé ne s’éteignent jamais.
L’on s’attendrait à voir débarquer des fantômes, tant est prégnante l’absence de toute humanité, de toute vie.

«If you see something, say something», lit-on sur une pancarte. Voyez-vous ce que je vois ?

Marc Bijl
— After Hours, 2006. Matériaux mixtes. 720 x 1060 x 500 cm.
— After Hours, 2006. DVD.
— Dark Symbolism, 2004. Plâtre, goudron. 70 x 70 x 50 cm.
— The Union, 2004. Drapeau, tissu. 200 x 250 cm.

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