ART | CRITIQUE

Adam Adach

PLison Noël
@12 Jan 2008

Le finaliste du prix Marcel Duchamp 2007 Adam Adach jette un regard rétrospectif sur une œuvre amorcée il y a maintenant dix ans à travers onze tableaux choisis par la directrice de La Galerie, Marianne Lanavère.

Un tableau noir sur un mur noir : Low Beam, l’œuvre la plus ancienne (1997) et la plus abstraite de l’exposition se pose en « œuvre témoin ». La toile ne ressort du mur que grâce à ses côtés blancs. Le faisceau lumineux des phares d’une voiture est figuré par des coulures de peinture noire dont la brillance seule permet de distinguer le dessin. Une œuvre témoin donc, pour constater l’évolution du travail de l’artiste vers une pratique figurative. Le balancement entre abstraction et figuration traverse en effet toute l’œuvre d’Adam Adach.

Les dix autres toiles illustrent pratiquement sans transition cette évolution ; l’exposition passe sous silence les cinq années qui séparent Low Beam de Fondations. Elles proposent des sujets plus aisément identifiables. Cependant, l’abstraction continue de hanter ces toiles ; la géométrie et les formes abstraites s’insinuent partout.

Dans Fondations, on distingue deux personnages debout sur les fondations de forme géométrique d’une maison en construction.
Dans Point de rencontre, les trois personnages que l’on prenait en regard du titre pour le sujet principal du tableau sont relégués au second plan et excentrés pour laisser la place à la forme géométrique des pavés au premier plan.
Enfin dans Utopia, qui figure une attraction de fête foraine désertée, le manège a des airs de composition abstraite.

Le diptyque Aelita Back and Forward associe deux toiles : la première représente un cube blanc en chute libre sur un fond violet et la deuxième est une reproduction d’une scène de Aelita, un film de science-fiction russe. Ici il ne s’agit plus d’insinuer de l’abstrait dans une toile figurative, mais de mettre en regard ces deux pratiques de la peinture pour instaurer un dialogue entre elles.

Etat naturel est l’unique toile qui semble s’affranchir totalement de l’abstraction. Elle représente une vue en surplomb d’une grande étendue d’herbe parsemée de quelques arbres. Plusieurs figures humaines sont étendues, esquissées par quelques touches de peinture couleur chair. Dans le coin en bas à gauche, une femme en robe noire debout sur le bord d’un chemin se détache du groupe.

Au-delà des catégorisations esthétiques les tableaux d’Adam Adach s’inscrivent par leur thèmes dans une idée renouvelée de la «peinture d’histoire».
L’artiste explique que Fondations a été créée suite à un événement symbolique : dans une Pologne encore très marquée par la deuxième Guerre mondiale et la destruction partielle de Varsovie, sa sœur a été la première de sa famille à construire une maison. Le chantier de Fondations s’installe sur des ruines encore récentes, et l’espoir qui accompagne l’édification de cette habitation est entaché par la mélancolie et le deuil de la Varsovie d’avant la guerre que trahissent les visages graves des deux personnages.

Comme souvent, passer par le biais d’histoires particulières est le meilleur moyen d’atteindre l’universel. Autre histoire particulière : celle qui inspire Ministry of Communication. Le tableau place côte à côte une tour argileuse qui évoque la tour de Babel et deux bâtiments moins monumentaux et plus modernes dont l’accès en embarrassé par des travaux. Un téléphérique aux cabines sphériques surplombe le tout, sur un fond de ciel fait de coulures de peinture bleue sur un fond noir, irréel et angoissant.
Un débat avait lieu à la mairie de Varsovie sur la construction d’un tramway suspendu. La toile se déploie alors comme une anticipation de l’aboutissement de ce projet, un regard vers un futur possible qui fait écho à la scène futuriste représentée dans Aelita Back and Forward.
L’approche de l’Histoire par l’artiste interroge la relation entre passé et présent mais aussi entre présent et futur.

Ainsi les sujets d’Adam Adach prennent comme point de départ des anecdotes historiques ou familiales pour immédiatement les dépasser: Fondations est une métaphore de la (re)construction de nos vies et de notre bonheur en général.
Ministry of Communication est une métaphore d’une communication mise à mal, à travers la mise en présence antithétique de l’allégorie de la communication qu’est la tour de Babel et des bâtiments à l’accès compliqué par les travaux.
Les titres (Fondations sans article défini, Etat naturel et Utopia) participent de cette visée universelle et témoignent de leur relation intellectuelle avec les tableaux concernés.

Sans titre (Treblinka) représente une forêt de sapins devant laquelle sont peints une poubelle, une borne kilométrique et un panneau d’information blanc, sans informations. Treblinka est une ville proche de Varsovie où se trouvait un camp de concentration entre 1942 et 1943, que les nazis avaient dissimulé derrière les arbres. Le rapport à l’histoire d’Adam Adach s’accompagne d’une réflexion sur le devoir de mémoire qui rejoint une pensée d’Alain Finkielkraut: «Le passé parle au présent. Il s’adresse à nous. Il nous interpelle. Il réclame. Mais comment le présent doit-il répondre? ».

La dissimulation du camp et la disparition des informations sur le panneau trouvent un écho dans plusieurs autres tableaux eux aussi marqués par l’absence. Le manège d’Utopia est déserté, seuls quatre chiens peuplent l’image.
Dans Wooden Houses, qui représente un lotissement à l’architecture sérielle à la nuit tombée, la présence humaine est simplement suggérée derrière les murs des maisons. L’usine de Ionisation est, quant à elle, comme dissimulée derrière un écran de neige tombante qui agit comme un filtre — la mémoire?

Adam Adach
— Fondations, 2002. Huile sur toile. 73 x 92 cm
— Ionisation, 2005. Huile sur bois. 130 x 130 cm
— Ministry of communication, 2006. Huile sur toile. 160 x 180 cm
— Point de rencontre, 2004. Huile sur toile. 81 x 99,5 cm
— Sans titre (Treblinka), 2004. Huile sur toile. 115 x 162 cm
— Utopia, 2004. Huile sur bois. 140 x 95 cm
— État naturel, 2004. Huile sur toile. 62 x 97 cm
— Wooden Houses, 2005. Huile sur toile. 73 x 92 cm
— Low Beam, 2005.
— Aelita Back and Forward.

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