Pierre-Laurent Cassière
Acoustic Shadows
L’exposition personnelle de Pierre-Laurent Cassière, « Acoustic Shadows », en empruntant, en guise de titre, un terme utilisé en architecture désignant la zone située en retrait d’un mur anti-bruit caractérisée par une baisse de 10db du son, affirme par son contraire son ambition: mettre au jour une partie méconnue du patrimoine et continuer de faire découvrir le travail d’artistes sonores.
L’Université de Rennes 1 possède un patrimoine scientifique et technique dans le domaine des sciences physiques de grande valeur qui fut regroupé et conservé à partir de 2004 à l’initiative de Dominique Bernard, Alain Canard et Jean-Paul Taché. Une fois passé l’émerveillement suscité par ces instruments nous ramenant aux prémices des sciences modernes, il a très vite paru intéressant de valoriser cette collection avec à l’esprit un double objectif. D’une part, il s’agit de faire connaître des collections d’une grande qualité scientifique et historique et, dans le même temps, attiser la curiosité des publics pour l’histoire des sciences. En effet, si les sciences, souvent présentées comme «La Science», paraissent occuper une place importante dans notre société, il n’en reste pas moins qu’il existe une fracture qui sépare les citoyens et la recherche scientifique.
Mais surtout, en s’intéressant à l’histoire des sciences, il s’agit d’évacuer les images d’Epinal qui réduisent trop souvent la pensée scientifique à des tubes à essai, et d’inviter chacun à essayer de s’interroger sur ce qu’est la pensée scientifique et sa formation. D’autre part, pour un lieu dédié au sound art comme le Bon Accueil, l’accès à ces collections est une opportunité d’explorer une histoire des pratiques sonores dont les prodromes pourraient se trouver à l’époque de l’invention des moyens d’enregistrement et de reproduction du son et du développement de l’acoustique moderne. Science incarnée notamment par le physiologiste allemand Hermann Von Helmholtz et son compatriote physicien Rudolph Koenig, dont certains instruments de leur invention et de leur fabrication sont représentés dans la collection. Ce sont également les dires mêmes du physiologiste allemand qui incitèrent à explorer les liens unissant les arts sonores et l’histoire des sciences et techniques. Ainsi, Hermann Von Helmholtz en guise d’introduction à sa conférence, Les causes physiologiques de l’harmonie musicale, donnée à Bonn en 1857, disait: «Je me suis toujours senti attiré par l’intéressant mystère qui constitue le fait que la mathématique, la science de la pensée la plus pure et logique, se soit avérée si fructueuse précisément pour l’étude des sons, les fondements physique et techniques de la musique qui, de tous les arts, apparaît quant à son effet sur le cœur comme celui qui est le plus immatériel, fuyant, délicat, pour éveiller les atmosphères les plus incalculables et les plus indéfinissables.»
Par ces mots, le physiologiste allemand, et plus largement le développement de l’étude du son en physique, physiologie et psychoacoustique, ainsi que le basculement du son dans le champ de la matière si on peut dire, ouvrirent la voie aux arts sonores et à des artistes tels que Pierre-Laurent Cassière et le duo montréalais Artificiel formé par Julien Roy et Alexandre Burton. D’un côté, Pierre-Laurent Cassière explore régulièrement dans son travail l’archéologie des médias et des sciences, notamment avec l’ingénieuse œuvre Pulse qui ressortit des oubliettes de l’histoire le radiomètre du physicien anglais Sir William Crookes (1832-1919); de l’autre, le duo Artificiel qui, grâce à des bobines de Tesla (1856-1943), propose des concerts de musique électronique au sens littérale du terme avec Power.
Damien Simon
Vernissage
Jeudi 26 avril 2012 Ã 18h30