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Abstr(action)

PFrédéric-Charles Baitinger
@02 Juin 2008

Les installations de Pedro Cabrita Reis livrent difficilement leur secret : instables ou inachevées, leurs lacunes se jouent de nos attentes et nous empêchent de les comprendre. Et pourtant, comment pourrions-nous faire autrement que de leur attribuer un sens qu’elles n’ont peut-être jamais eu l’intention de susciter ?

De grandes plaques de verres reflètent les murs repeints en jaune de la galerie; elles les dédoublent, les recomposent et les encadrent. Peut-être sont-elles une mise en abîme de l’espace ? Qui sait ? Car leur apparence pourrait tout aussi bien être un piège; une éclipse du visible ou sa révélation.

Sur leur surface réfléchissante les points de vue s’affolent; les perspectives s’agitent — le réel tremble et se diffracte. Que se passe-t-il ? Dans quelle direction s’avance la lumière ? Vient-elle à nous, ou bien est-ce notre œil qui la projette ? Une chose est sûre : Pedro Cabrita Reis s’amuse de ce mystère; il en suscite la déraison pour mieux la mettre en scène.

Mais l’effet d’ensemble que produit son oeuvre est encore plus déconcertant. Pour le sentir, il n’est besoin que de regarder l’installation en son entier. L’expérience est saisissante : ce qu’on aurait pu prendre pour le tout (les plaques de verre) se révèle n’être qu’un élément parmi bien d’autres d’un dispositif plus vaste et qui emporte dans son mouvement l’espace entier de la galerie.
Transformant les piliers en lignes, les angles en cadres, les néons en segments de couleurs, Perdro Cabrita Reis sublime l’idée d’architecture et lui insuffle une qualité nouvelle — celle de pouvoir atteindre au même degrés d’abstraction que la peinture.

Développant les conséquences de cette idée, l’installation It’s Never About Balance en explore les fondements: une poutre énorme — démesurée — traverse la pièce à quelques centimètres du sol; à peine soutenue dans sa chute par un pilier —  huit fois plus petit qu’elle. Ossature fossile, jadis élément structurant, elle paraît ici comme échouée hors de son univers ou bien comme en train d’attendre l’action d’une force capable de la remettre debout.

Mais là encore, l’effet produit par cette installation ne serait pas complet si nous ne faisions pas l’effort de la confronter au reste de l’exposition. Alors que The Leaning Paintings se donnait pour tâche de rendre l’architecture comparable à la peinture abstraite, It’s Never About Balance semble, au contraire, nous rappeler qu’un tel rapprochement n’est possible qu’à une seule condition: passer outre l’impondérable matérialité des choses pour n’en retenir que l’apparence —  légère.

Pedro Cabrita Reis
— Self-portrayed in the studio #10, 2008. Tirage Lambda. Dimensions : 60 x 40 cm – 93 x 73 cm encadré.
— The leaning Paintings #5 (4 éléments), 2008. Verre, néons, aluminium, bois installation. Installation: variable dimension panneaux de verre : 240 x 240 cm chaque.
— It is never about balance #2, 2008. Poutre en acier (HEB200). Dimensions variables.
— The cotton fabric painting #18 (Bluebeard’s Castle series#13, #29, #10).
— The cotton fabric painting #18 (Bluebeard’s Castle series #2, #14, #19).

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