DANSE | SPECTACLE

Wonderful One

16 Jan - 24 Jan 2019

Alliant vigueur et délicatesse, Wonderful One, du chorégraphe Abou Lagraa, est une pièce en deux temps. D'abord un duo d'hommes vient enchanter la scène, la peupler d'élégantes pirouettes. Puis un trio de femmes prend le relai, déterminé. Dans un jeu entre masculin et féminin.

Avec Wonderful One (2017), le chorégraphe français Abou Lagraa (Cie La Baraka) signe une double pièce. Un spectacle structuré en deux moments, celui d’un duo d’abord, puis d’un trio. Sur des notes du compositeur baroque italien Claudio Monteverdi, deux hommes virevoltent. Le sol est clair, la scène est libre, avec en son centre : un cube blanc. Ou plutôt, une sorte d’abri voisinant le mètre cube. Jeu de chassé-croisé et de cache-cache, les deux hommes se défient, se cherchent. Dans un tourbillon gracieux, les deux danseurs — Ludovic Collura et Pascal Beugré-Tellier — semblent comme aimantés l’un par l’autre. Et sur l’air d’Il combattimento di Tancredi e Clorinda [Le Combat de Tancrède et Clorinde], chacun cultive une part de masculin et de féminin. Plus qu’une ambigüité : une liberté augmentée. Celle de ne pas choisir et de ne pas exclure. Pour un duo en contrepoint duquel vient ensuite répondre un trio féminin.

Wonderful One d’Abou Lagraa : l’un, le duo, le trio et les multiplicités chorégraphiques

Après le duo, trois femmes énergiques prennent possession de la scène. Tandis que le cube laisse place à trois moucharabiehs mobiles, entre grillage et dentelle métallique. Quarantaine flamboyante, les trois danseuses — Nawal Lagraa-Aït Benalla, Sandra Savin, Antonia Vitti — rayonnent de détermination. Comme l’explique Abou Lagraa, lorsqu’il est question des distinctions entre masculin et féminin, trop souvent il ne s’agit que de clichés. Avec Wonderful One, l’enjeu est celui du double. Le dual dans l’unité, là où chaque interprète recèle et cultive masculin et féminin. Sur des chants d’Oum Kalthoum, de sÅ“ur Marie Keyrouz, ou sur des percussions de Fez, le trio danse avec une précision sans faille — primat de l’expérience. Tout en déplaçant les cloisons, entre encombrement et jeu. Danse éclectique, comme la composition sonore, de Claudio Monteverdi à Oum Khaltoum, Wonderful One allie danse classique, ballet et contemporain.

Cultiver l’émerveillement comme mode d’existence, comme rapport au monde

Wonderful One arbore ainsi une structure très affirmée. Pièce en deux parties, d’abord masculine, puis féminine… Musique baroque dans un premier temps, puis musique orientale… Cube monolithique opaque pouvant servir d’abri ou de carapace, puis panneaux ajourés montés sur roulettes… La pièce Wonderful One semble jouer la carte de la scission. Pourtant, hommes et femmes portent en chacun d’eux la complémentarité des genres. La musique puise sa chaleur dans le bassin méditerranéen. Et la danse souligne l’élégance des corps en mouvement. Pour une pièce sensuelle, capable de remplir les sens de beauté visuelle et sonore. Émerveillement [wonder, en anglais] : la pièce emprunte son titre à une chanson de Jimmy Page (Led Zeppelin). Et effectivement, c’est aussi le sens de l’émerveillement que vient combler la pièce. En offrant aux publics une élégante plongée dans la redéfinition des genres.

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