Alfred Gharapetian
Abondance
Alfred Gharapetian investit les champs de la vidéo, de la photographie et de la sculpture. Son propos réside dans l’évaluation et le décryptage de toutes les formes de manipulation par l’image. Il construit des fictions à partir de signes appartenant à la mémoire collective pour aborder, d’une manière générale, les figures de l’autorité politique, économique et intellectuelle.
L’exposition « Abondance » se fait l’écho d’un renversement des rôles, de ce moment où la représentation du réel a pris le pas sur le réel lui-même. Lorsque les mythes deviennent des pseudo-réalités. Lorsque les images déforment ces réalités et induisent une nouvelle écriture de l’histoire. Les médias nationaux et internationaux offrent le principal terrain d’investigation d’Alfred Gharapetian. Il y puise les images qu’il va ensuite retravailler ou « recycler ». Il en interroge la sémantique, le fonctionnement et l’extraordinaire pouvoir sur les consciences.
Et qu’observe-t-il de ces médias ? Une Abondance. Une abondance de signes qui va de paire avec un assèchement du sens. Que produisent ces images jetées en vrac aux téléspectateurs ? Comment s’arrangent-elles avec les faits, comment se débarrassent-elles du contenu pour entrer dans la narration, dans le conte, la dramaturgie voire dans la mystification ?
Plusieurs oeuvres composent le parcours de l’exposition.
Retour sur la tragédie du 11 septembre (At&t, 2003) qu’Alfred Gharapetian décortique image par image, depuis les explosions jusqu’aux nuages de fumée, quand le pathos archi représenté rejoint l’effroyable beauté de ces images devenues icônes. Quand le temps, ramené au ralenti, transcende la tension de l’événement et atteste de sa portée historique.
La soudaineté devenu éternité. On retrouve le principe dans Times (1996) : en vingt-quatre photogrammes, Alfred Gharapetian déconstruit la seconde du film d’Imamura dans laquelle l’horloge public d’Hiroshima implose ce tragique 6 août 1945 (Kuroi ame, 1989).
L’exposition porte d’autres stigmates, multiplie les références aux médias (Al Djezira, 2008), aux langages publicitaires (Eden, 2008), à l’ordre politique et religieux (Rawmate-rial©ExtraLight, 2005), à la violence sourde de la guerre (Pictogramme, 2005).
En point d’orgue de son installation à la Galerie municipale de Vitry, Alfred Gharapetian reprend le schéma des Palm Islands, les îles artificielles de Dubaï. Purs produits d’une économie de marché captivée par sa propre image hégémonique, ces îles-palmiers sont la métaphore moderne du paradis terrestre : soleil, plages, marinas, hôtels et villas de luxe… L’illusion est totale, elle diffuse aussi l’idée contraire d’un monde qui clive ses réalités : artificiel versus naturel ; riches versus pauvres ; abondance versus pénurie.
Cette démesure (une autre forme d’abondance) est elle-même entretenue par l’artiste. Les sons lancinants des installations se mélangent à la profusion des images et des récits. Alfred Gharapetian jette en pâture ces flux et reflux des images, archives, informations comme s’il abordait la critique de l’intérieur, au coeur de l’entertainment, là où désormais se fabrique l’Histoire.
Vernissage
Jeudi 8 janvier 2009 Ã 18h.
Catalogue et journal de l’exposition
Abondance, Alfred Gharapetian, texte de Karine Vonna, Galerie municipale : Vitry-sur-Seine, 36 pages, 2008.
critique
Abondance