Jean-Marc Bustamante, Sophie Calle, Patrick Faigenbaum, Jean-Louis Garnell, Jean Le Gac, Joachim Mogarra, Jean-Luc Moulène, Marc Pataut, Sophie Ristelhueber, Eric Rondepierre, Patrick Tosani
Abolir le mythe
L’exposition évoquera cette période où la photographie est enfin pleinement considérée comme un outil de production d’images artistiques. Une période où l’artiste, à travers le médium photographique, questionne sa relation avec le réel, avec les modes narratifs, et tente d’exploiter les qualités plastiques et techniques de la photographie.
À la fin des années 60 du siècle dernier, une génération de jeunes photographes français s’interroge. Quoique sensibles aux transformations politiques et artistiques, ils regardent, inquiets, la photographie de leurs pères. Quoiqu’ils aient vu, plus rien ne les satisfait. Ils ne veulent plus du mythe photo-journalistique (Magnum, H. Cartier-Bresson), et encore moins des beaux tirages en noir et blanc, au format 30 x 40.
Mais ce n’est pas non plus à la peinture qu’ils songent, en bousculant les héritages «humanistes» (Doisneau, Izis) ou néo-pictorialistes (Sudre…). Nourris d’aventures intellectuelles diverses, se référant aux New Topographics, aux courants allemands, ils s’attachent, pensifs, hargneux et précis, à redéfinir cet objet toujours impensé: la photographie. Comme des oiseaux de proie, ils regardent de haut cette chose malade et incertaine, dont ils vont se partager la dépouille. Pas un morceau de ce cadavre ne va leur échapper. Ils en dénoncent sa mystique; du beau en paysage, de la vérité de l’indice, de la permanence de la trace, etc… Tout ce fatras qu’ils bousculent au profit du non-lieu, de la réévaluation de «l’insignifiant», des contradictions du monde, par une sévère remise en cause de la place de la photographie dans l’univers des représentations.
Parmi tous ces experts en photographie, ils s’en trouvent certains plus engagés dans la représentation politique de l’image mécanique, alors que d’autres s’échinent, encore et encore, à décortiquer sa nature. Mais tous s’attachent à renouveler par le recours systématique à l’expérimentation les formes d’un récit, le rendant, enfin, en phase avec le monde réel.
Voilà la scène française qui s’ouvre dans les années soixante-dix; voilà le lieu où a émergé une puissance créative trop longtemps sous-estimée.