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A Voyeur’s Devotion

On serait tenté d’accorder à Robert Devriendt la double casquette de peintre et de cinéaste. Admirer ses peintures fait l’effet d’un coup d’œil jeté dans le viseur d’une caméra. Tout d’abord, parce que ses œuvres sont de petites dimensions, miniatures pas plus grandes qu’une carte postale. Ensuite, parce qu’avec leurs airs très réalistes, elles font figure de fenêtres ouvertes sur une scène dramatique. Leur format oblige ainsi le spectateur à se rapprocher au plus près du travail du peintre, afin de découvrir des images qui semblent tout droit sorties d’une fiction. Aussi, remarquons que l’artiste rassemble ses peintures en «séquences». Pour A Voyeur’s Devotion, on en compte cinq, chacune comportant trois ou quatre tableaux dessinant la trame d’un film tumultueux.

Le scénario est intimement lié au récit que l’on trouve sur le communiqué de l’exposition, et qui apparaît comme un préambule aux séquences exposées. Véritable travail romanesque fourmillant de détails, ce scénario met en scène une jeune femme blonde et apprêtée, sorte d’héroïne d’hitchcockienne du XXIe siècle, au volant d’une Porsche Panamera noire. Armée, elle a rendez-vous avec un homme mystérieux. Vêtu d’un vieux cuir râpé, il l’attend dans une cabane en pleine forêt.

En regardant le story-board aligné sur les murs, nous découvrons la suite de l’intrigue. Une toile dévoile un homme barbu aux cheveux dorés se cachant derrière des lunettes de soleil, l’air malveillant. Plus loin, une autre se focalise sur la jambe d’une femme inconsciente, le pied chaussé d’un escarpin rouge sang. Plus loin, une jeune femme brune, fusil sur l’épaule, s’apprête à tirer.
En continuant notre lecture, on remarque le profil d’un chien-loup, l’œil ensanglanté, puis un homme au visage rougeaud, portant une femme inanimée dans les bras. Pour finir, les trois derniers tableaux nous mettent successivement face à une cylindrée noire en feu dans un bois, à une femme à terre, hurlant, une chaîne de cadenas autour du cou et, enfin, à un gros plan sur une main tenant un revolver.

En tout, c’est une vingtaine d’instantanés qui défile sous nos yeux, où se côtoient mystère, violence et sensualité —ce qui n’est pas sans nous rappeler parfois l’univers de David Lynch.

Entre chaque image, des événements ont lieu sans être montrés, et ces absences rendent l’ensemble de l’œuvre plutôt énigmatique. Ainsi, pouvons-nous tout au plus affirmer que le duo mis en scène dans l’introduction est rejoint par de nouveaux protagonistes qui, ensemble, vont être les acteurs d’un drame ultra violence. L’artiste se refuse par là à imposer un scénario déterminé. Robert Devriendt a d’ailleurs pris soin d’inscrire «Une histoire incomplète» en sous-titre de son prélude, préférant laisser la possibilité au spectateur d’inventer son propre récit.

Å’uvres
— Robert Devriendt, A Voyeur’s Devotion, 2012. Séquence de 4 peintures, huile sur toile. 10 x 6 / 16 x 11,5 / 14,7 x 7 / 7,2 x 7,7 cm
— Robert Devriendt, A Voyeur’s Devotion, 2012. Séquence de 4 peintures, huile sur toile. 12,5 x 8,3 / 16,7 x 10 / 13,5 x 9,2 / 9,4 x 6,5 cm
— Robert Devriendt, A Voyeur’s Devotion, 2012. Séquence de 3 peintures, huile sur toile. 13,4 x 9,3 / 21,9 x 9,3 / 12,2 x 7,2 cm
— Robert Devriendt, A Voyeur’s Devotion, 2012. Séquence de 4 peintures, huile sur toile. 12,6 x 7,5 / 8,6 x 8,9 / 15,3 x 10,3 / 10,5 x 8 cm
— Robert Devriendt, A Voyeur’s Devotion, 2012. Séquence de 4 peintures, huile sur toile. 13 x 6 / 23,9 x 10 / 10,2 x 10,4 / 12 x 8 cm