Pierre Buraglio
… à tenon et mortaise…
Cette exposition présente un ensemble d’œuvres récentes ponctué par quelques pièces plus anciennes, telles des Fenêtres. Le titre, «à tenon et mortaise», est une expression issue du monde de la menuiserie désignant une forme d’assemblage de deux morceaux de bois. Ce titre constitue une métaphore de la démarche de l’artiste, véritable travail d’emboîtement et de construction mentale que l’on retrouve dans chacune de ses œuvres.
Pierre Buraglio réalise des peintures constituées d’éléments hétéroclites qu’il crée ou récupère, parfois détourne et réunit. La création plastique du travail de l’artiste est liée à la nécessité de la déconstruction du tableau de chevalet. Créant sa propre économie de moyens et recyclant ses propres matériaux, il réinvente la peinture sans châssis ni pinceaux.
En grand amateur de Jazz, Pierre Buraglio construit une œuvre musicale, comme autant de variations sur le même thème. C’est tout naturellement que le sujet de sa propre maison et des proches alentours est devenu le fil conducteur des séries présentées dans l’exposition.
Une suite d’œuvres intitulée Charentonneau évoque un quartier particulier de Maisons-Alfort dans lequel vit l’artiste depuis sa naissance. Une autre série, assez proche, représente des toits, des cheminées, les antennes de télévision que Pierre Buraglio observe depuis son jardin.
Flirtant avec l’abstraction et jouant avec les matériaux (carton ondulé, contre-plaqué) pour imiter le motif de la brique rouge, Pierre Buraglio reprend ici certaines techniques caractéristiques de son œuvre tel le réemploi, l’assemblage ou le collage. Une œuvre apparaît comme une fenêtre, laissant entrevoir des pans de mur à travers le carton découpé. L’ocre rouge et le bleu prédominent dans ces œuvres très aérées voire aériennes comme les grandes Embellies. Dans ces dernières, Pierre Buraglio aborde la question du paysage en épurant à la fois les matériaux, les couleurs et les gestes. Les Embellies peuvent être interprétées comme des hommages à la peinture hollandaise du 17ème siècle, sublimes de silence et de respiration.
Tel un musicien, Pierre Buraglio exploite la thématique jusqu’à ce que celle – ci se transforme même en matériau: une partie du balcon en fer forgé est utilisé comme un pochoir, tel un «ready made». Cette série de petites peintures est tout à la fois duchampienne et très picturale, réminiscences des visites régulières au musée d’Orsay et de l’observation de la peinture de Gustave Caillebotte, notamment les vues du balcon. Pierre Buraglio a ainsi décliné ce motif sur différents supports, notamment sur un châssis recouvert d’un ancien pantalon en denim de l’artiste ou sur une peinture réemployée.
Pierre Buraglio accorde un soin particulier au choix du titre de chacune de ses œuvres: Rue Serge Reggiani, Rue Pierre Gascar, A Pietro B., Rue Alberto Lattuda, toujours en référence à des écrivains, artistes, chanteurs, hommes politiques ou même membres de sa famille qui marquent et interpellent l’esprit de l’artiste.
Cet ensemble d’œuvres témoigne de la façon dont l’esprit de Pierre Buraglio vagabonde, d’observations immédiates jusqu’aux souvenirs plus lointains. Ou comment son processus de création, spiralé, l’amène d’un matériau à l’autre, d’une image à un souvenir qui ressurgit.