ART | CRITIQUE

A quoi ça sert

PVincent Gonzalvez
@12 Jan 2008

Transformer les objets du quotidien en éléments de réflexion et d’interrogation, modifier leur fonction utilitaire pour faire émerger un nouveau rapport à l’objet et un nouveau type de comportement, c’est à cette expérience que nous convient les oeuvres de l’exposition « À quoi ça sert ».

Les objets matériels répondent à certaines fonctions. Reconnaître un objet usuel, c’est savoir s’en servir, identifier son usage, son emploi. L’expression « A quoi ça sert ? » signifie que l’usage ne se donne pas clairement à voir et pose problème. Les oeuvres présentées proposent un emploi différent d’objets usuels, elles en bouleversent l’usage et le sens. Que se passe-t-il quand des objets familiers deviennent porteurs de significations et de buts autres que ceux de l’utilité ? Nos certitudes sont ébranlées, émergent alors une nouvelle perception de l’objet, et de nouveaux comportements.

On évolue dans l’exposition comme dans un appartement. Il y a des chaussures déposées à l’entrée, une table basse dressée pour un repas, une chaise, un vêtement comme accroché à un porte manteau, des photos au mur. Au fond de la pièce, un paravent délimite l’espace.
Un environnement domestique est recréé avec des éléments dont on se rend vite compte qu’ils sont à la fois familiers mais différents de nos objets quotidiens. C’est dans cet écart que s’inscrivent les travaux : reconnaissables et problématiques. Ainsi, les chaussures en résine de Marie-Ange Guilleminot, supposées servir à la marche, semblent impossibles à utiliser en pratique. La vaisselle de Fabrice Hybert décourage fait perdre à l’acte de manger son caractère d’évidence. La chaise de Charles Eames repeinte en jaune par Bertrand Lavier.

Un trouble est créé, dû au fait que les objets vont au-delà de leur usage premier et fonctionnent comme des révélateurs de sens. Dans Nowhere (2004) de Robert Stadler « A quoi ça sert » se pose d’emblée. L’objet devient porteur d’un message, il suscite un nouveau genre de démarche et de comportement. Les chaussures de Marie-Ange Guilleminot incitent à un nouveau type de déplacement, hésitant, différent, afin de déclencher une réflexion sur l’être humain, sur ses habitudes, son quotidien.
L’oeuvre de David Saltiel, un paravent recouvert de miroirs dans lesquels on se reflète et où est inscrite la phrase « Je suis civilisé(e) » est une invitation à réfléchir sur soi. Au-delà de sa fonction de cacher, le paravent oblige chacun à se regarder en face, tandis qu’un trou ménagé dans le paravent s’ouvre au-delà.

L’objet devient l’occasion d’une réflexion sur l’objet lui-même et sur ses utilisateurs. Issey Miyake propose une nouvelle conception du vêtement avec A-Poc. L’objet crée ainsi de nouveaux comportements que suggèrent Fabrice Hybert avec ses POF (Prototype d’Objet en Fonctionnement), ou Absalon (1964-1993) dont Maire-Ange Guilleminot réactive la cellule n°1, cette unité de survie autonome, environnement minimaliste et méditatif générant un nouveau rapport au monde. Ce n’est plus un comportement qui aboutit à la création d’un objet, mais un objet qui induit des comportements.

Marie-Ange Guilleminot :
— Shoe / Chaussure 1:1, 2002-2003. Installation avec photos et paires de semelles en résine grise. Dimensions variables .
— Marie-Ange Guilleminot présente Absalon cellules, 1993, 2004. Ordinateur portable, 6 CD Rom, bureau, tabouret. Bureau de la cellule n°1 : 140 x 70 x 80 cm, tabouret de la cellule n° 1 : 55 x 40 x 29,5 cm.

Fabrice Hyber :
— Sans titre, 2004. Installation au sol avec porcelaine de Corée, bois, brique. 12,5 x 153 x 164 cm.
— Sans titre, 2004. Disque de porcelaine de Corée peinte. Diam. 88,5 cm.
— Sans titre, 2004. Disque fendu de porcelaine de Corée peinte. Diam. 88,5 cm.

Bertrand Lavier
— Charles Eames Peinte
, 1991. Chaise moulée, peinture à l’huile. 81 x 62 x 55 cm.

Issey Miyake
— A-POC
, collection printemps-été 2005. Rouleau de T-Shirts rouge pré-découpés.

David Saltiel
— Sans titre
, (Paravent je suis civilisé(e)), 2004. Paravent à trois ventaux miroir, acier, bois. 185 x 116 x 3 cm.

Robert Stadler
— Nowhere, 2004. Arbre à chats, contreplaqué, moquette, forex (PVC). 93 x 80 x 34,4 cm.

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