ART | EXPO

A Piece of Lace

01 Fév - 22 Mar 2014
Vernissage le 01 Fév 2014

Inspiré par la marque American Apparel, Armand Jalut livre ici une nouvelle série où machines et outils de confections se télescopent avec des composants organiques et alimentaires. Il utilise différents registres picturaux, avec une attention particulière portée aux réserves, aux ruptures dans le traitement et à des effets de transparence.

Armand Jalut
A Piece of Lace

Réunies sous le titre de « A Piece of Lace », les peintures produites ces derniers mois par Armand Jalut sont marquées par la présence de machines, des outils de confections qui se télescopent avec des composants organiques et alimentaires: tranche de pamplemousse (CLASS AZ8020SD), Å“ufs au plat (CLASS W664UT), régime de banane (CLASS VFK2560) ou noix de coco (CLASS FD62DRY). La vision machiniste s’y emboîte avec une nourriture chromatiquement flatteuse, mais approximativement entrelacée entre le premier et le second plan. L’ensemble repose dans une perspective flottante sur des plans unis ou zébrés.

Une exception iconographique notable voit apparaître deux mouettes (CLASS FW603). Si leurs profils de bouchon de radiateur se disputent par leur angularité avec le biomorphisme de la machine, leurs silhouettes au plumage brossé ne semblent avoir pour seul but que la frontalité de leurs regards, concomitamment voyeurs et autoritaires.

Ces confections de grand format font suite à la série «Alain Patrick», vastes agglomérations de cravates de surplus achevées récemment par Armand Jalut. Y dialoguent les différents registres picturaux négociés par ce dernier ces dernières années, mais ceux-ci sont renforcés par une attention particulière portée aux réserves, aux ruptures dans le traitement et à des effets de transparence qui s’apparentent à des problèmes d’affichage.

Là comme précédemment, la peinture d’Armand Jalut se singularise par son iconographie et sa manière. Son catalogue d’images et de motifs de traverse se déploie à travers des formes, des traitements et des touches que l’on placerait du côté du surplus et du fleuri, davantage que de l’épure et de la retenue. Pourtant la circonspection est de rigueur, elle découle de l’envie irrémédiable de continuer à faire des images davantage que des bravades picturales.

Sans aucune nostalgie mais avec une jubilation assurée, Armand Jalut peint des images, alors que toutes migrent inexorablement vers des écrans. Le recours au scanner et à l’image numérique dans la réalisation des natures mortes précédentes, qu’il désignait lui-même, comme «des contenus de poubelles renversées, réévalués à travers le filtre de la peinture» est finalement un simple geste domestique. Ici, les découpes arbitraires, séquelles de sélections hasardeuses à la palette graphique s’apprécient comme des malfaçons objectives qu’un coup sur le moniteur ne pourrait abolir.

C’est à Los Angeles, à l’ombre d’écrans bien plus larges qu’il a étalonné ses peintures récentes. Pourtant, aucun effet en «rama» ou de débordement camp n’émane de la fréquentation intime de la capitale californienne — un séjour qui pour cet admirateur avoué de John Waters, aurait pu avoir valeur de grand tour. C’est dans la banlieue de celle-ci, dans la dilution de l’imagerie pornographique à travers l’imaginaire si «next door» que la marque American Apparel déploie dans la ville de son siège, qu’il a d’abord trouvé à assouvir sa collectionnite visuelle. Il est ensuite remonté jusqu’à une usine de la marque. Dans ses ateliers «sans sueur» (sweatshop free) qui font la fierté de la marque, Armand Jalut cherchait peut-être l’incarnation des corps naturels jusqu’au détail qui font le succès des publicités American Apparel. Il en est ressorti avec des modèles mécaniques, et des références industrielles de machines à coudre en attente de rencontre.

Olivier Michelon

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