Marcel Duchamp, Joseph Beuys, Takashi Murakami
A History of Editions
Les avant-gardes de la fin du XIXè et du début du siècle dernier (Les Nabis, Matisse, Miró, Munch…) se sont également emparées des techniques les plus variées dont l’estampe qui permettaient de diffuser un art inédit, non montré dans les lieux et salons officiels, à un public plus ouvert.D’autres artistes du XXè siècle se sont adonnés à cette pratique: Andy Warhol bien sûr mais aussi Roy Lichtenstein, Robert Rauschenberg, Claes Oldenburg… dans la lignée du mouvement Fluxus qui préconisait un art de l’action, démocratique et ancré dans la vie. Les oeuvres de Keith Haring, Vasarely pourraient aussi faire l’objet d’une exposition autour de ce thème.
Marcel Duchamp a naturellement recours aux multiples puisque par essence, ils redéfinissent la notion d’unicité et d’auteur. Il est un des premiers à envisager les multiples comme des oeuvres uniques. Ainsi, il édite environ 275 Boite-en-valise, sorte de musées portatifs rétrospectifs de son oeuvre, possédant ainsi un don d’ubiquité en étant présentes dans les plus célèbres collections à travers le monde. «Tout ce que j’ai fait d’important pourrait tenir dans une petite valise»
Par ailleurs, il laisse libre cours à son imagination sur tous les supports, affiches, cartons d’invitation, télégrammes, plaques émaillées…
Joseph Beuys prolonge cette démarche en y ajoutant des spéculations sociales et politiques, par la production continue de 567 multiples de 1965 à 1986, auxquels s’ajoutent de nombreuses cartes postales. La Collection Reinhard Schlegel dévoile un ensemble inédit de cet Art élargi qui englobe des manifestes, concepts politiques et formes de langage. A l’époque, ils échappent ainsi au marché de l’art. «Chaque édition a pour moi le caractère d’un noyau de condensation, sur lequel une multitude de choses peuvent se poser. […] Je suis intéressé par la transmission de véhicules physiques sous forme d’éditions, car je suis passionné par la diffusion d’idées. Les objets sont seulement en relation avec mes idées intelligibles»
Docteur en peinture Nihonga de l’Université des Arts de Tokyo, Murakami développe un style unique et une oeuvre protéiforme. Il utilise les techniques les plus modernes associées à la précision et la virtuosité de l’art traditionnel japonais, celui de l’estampe ukiyo-e (monde flottant) en particulier. Inspiré de la culture manga et kawaï (mignon), son monde irrésistible est peuplé de personnages monstrueux ou charmants, descendants facétieux des mythes passés. L’esthétique Superflat, qu’il a théorisée en 2001, tente de brouiller les frontières entre art populaire et grand art. L’absence de perspective, la bi-dimensionnalité de l’art ancien s’infiltrent sur tous les supports, peinture, sculpture, prints/sérigraphies, wallpaper, films d’animation, accessoires. Il a même parfois imaginé ses figures sur des tee-shirts (Hiropon) ou ballons géants (Mr.Dob) avant des les faire apparaître dans ses peintures, ses sculptures ou ses films, à rebours du système Hollywoodien qui vend les produits dérivés après la sortie d’un blockbuster.
Le marché de l’art a eu tendance à sous-estimer ces productions sans prendre en considération la générosité des artistes à offrir leur art au plus grand nombre. En effet, la rentabilité d’une estampe est incertaine. Les prints de Murakami par exemple ont un coût de production élevé lié au nombre de couleurs utilisées, pourtant, l’artiste souhaite que leur prix de vente reste accessible.
Si Duchamp, Beuys, Murakami ont réussi à convaincre les collectionneurs que les éditions faisaient partie intégrante de leur production artistique, avec l’idée sous-jascente d’art pour tous, en revanche, Dali et Bernard Buffet s’y sont brûlés les ailes.