Stéphane Calais, Kaye Donachie, Kees Goudzwaard, Antoine Marquis, Renaud Jerez
A General History of Labyrinths
Le titre de l’exposition provient d’une nouvelle de Jorge Luis Borges Tlön, Uqbar, Orbis Tertius. Dans un passage où il évoque la littérature d’Uqbar — une littérature «de caractère fantastique», ses épopées et ses légendes ne se rapportaient jamais à la réalité — et plus particulièrement sa bibliographie, Borges cite Silas Haslam, auteur de History of the Land Called Uqbar, et précise par une note de bas de page que «Haslam a publié aussi A general history of labyrinths». C’est une double référence à sa propre poétique: le labyrinthe et le personnage littéraire fictif sont des enjeux fondamentaux chez Borges. Une façon de substituer une réalité à une autre.
Stéphane Calais
Né en 1967, Stéphane Calais développe un pratique artistique complexe et hétérogène. Le dessin reste toutefois son premier langage, il est pour lui ce «merveilleux outil» que l’on retrouve de manière récurrente dans son travail, que ce soit dans ses imposantes séries de sérigraphies comme la Pléiade, dans ses installations (La Chambre de Schulz) et bien sûr dans sa peinture où le trait noir vient s’immiscer entre ses évocations
gustoniennes et sa gestuelle virulente. Si les données élémentaires de la peinture que sont le geste et le trait se confrontent et s’allient dans la peinture de Stéphane Calais, une autre question fondamentale sous-tend sa pratique: le travail en série. Elle s’inscrit d’abord dans la fascination du regard de l’artiste pour ses sujets qu’il trouve «sur les côtés» d’une culture «plutôt d’un ordre non dominant». Pour Stéphane Calais, ses peintures où «la précipitation d’éléments forment bloc naturellement, (…) tendent toutes et toujours à la concrétion». On entre alors dans une confusion chère à l’artiste, celle «des temps, lieux et fabrication».
Kaye Donachie
Kaye Donachie, née à Glasgow en 1970 travaille à partir d’images d’archives et de sources cinématographiques et s’attache dans ses peintures de petits formats à créer des narrations fragmentaires. Elle fait ainsi ressurgir d’un passé oublié des figures de mouvements pionniers de la culture libertaire — comme la communauté utopique Monte Verita (formée en Suisse et où se côtoient Herman Hesse, Hugo Ball et Otto Gross, pionnier de la révolution sexuelle) — et de la bohème du XXe siècle telles que la poétesse Edna St. Vincent Millay ou l’auteur Nina Hamnett, surnommée «Queen of the Bohemia». Fruit d’un long processus d’addition et de soustraction de couches, les peintures à l’huile de Kaye Donachie ont une apparence très légère, presque spectrale, où se mêlent les caractères tragique et romantique de ces personnages.
Kees Goudzwaard
Kees Goudzwaard est né en 1958 à Utrecht (Pays-Bas). Nourri tant par la peinture hollandaise que par le Colorfield Painting américain, il produit une œuvre picturale abstraite qui respecte des contraintes strictes.
Ses peintures à l’huile sont des copies exactes à l’échelle 1 de collages abstraits qu’il réalise dans son atelier, avec des papiers de couleur et du ruban adhésif, ouvrant alors la voie à de nouvelles possibilités de la question de l’appropriation en peinture. A travers cette mécanique de répétition et de reproduction s’épanouissant dans l’acte physique de peindre, Kees Goudzwaard substitue ainsi une réalité à une autre. Les peintures présentes dans l’exposition, Extent (2005), Long Division (2007) Transit (2009), sont de grandes compositions diaphanes figurant plusieurs plans colorés, sans reliefs ni ombres, obtenus grâce à une technique très précise de superposition de niveaux de transparence et de changements de couleurs infimes créant la perspective.
Antoine Marquis
Antoine Marquis est né en 1974. Il est l’auteur d’une peinture alliant une grande maîtrise formelle à une recherche de situations, scènes ou atmosphères intimistes et pourtant dénuées de charge émotionnelle. Il s’intéresse à la représentation d’une France «à la Simenon» comme il l’écrit, c’est-à -dire captée dans des moments ordinaires, banals, parfois plongés dans un érotisme «municipal».
Le camaïeu de gris, récurrent dans son travail, et dont il dit qu’il lui permet de passer d’une image à l’autre sans fracture, comme dans un rêve, est issue de sa pratique du dessin au stylo à bille, longtemps utilisée pour son aspect irrévocable, sans possibilité de gommer. Les peintures récentes présentées dans l’exposition prolongent ces recherches tout en développant une technique nouvelle mêlant huile, acrylique et craies grasses sur papier. Les objets et les corps qui y figurent apparaissent alors comme peints en négatif, résultats d’un travail de superposition de voiles de matière, toujours légère.
Renaud Jerez
Renaud Jerez est né en 1982. Il produit une œuvre multiforme qui s’inscrit dans une observation et une reproduction effrénée d’images provenant d’univers visuels variés (clichés issus de sa flânerie dans la ville, images du net, de la télévision, des jeux vidéo). Il s’intéresse ainsi à la circulation des images offerte par les nouvelles technologies de communication, mais aussi à la circulation et à la connexion des objets et des corps. Les
éléments comme les tuyaux, les tubes, les tiges sont récurrents dans son vocabulaire sculptural. Ses premières réalisations étaient des peintures, et il a ensuite commencé à faire des recherches autour de différentes techniques d’impression digitale, principalement sur des films transparents apposés sur des plaques de plexiglas, où s’ajoutent plusieurs touches/couches de peinture. La surface ainsi produite fait référence à l’usage contemporain de l’écran, qui au-delà de ses performances technologiques, est avant tout un lieu de fantasme: le lieu de toutes les projections et de toutes les identifications possibles.
Article sur l’exposition
Nous vous incitons à lire l’article rédigé par Iris Van Dongen sur cette exposition en cliquant sur le lien ci-dessous.
critique
A General History of Labyrinths